Jusqu’à présent, j’avais le sentiment que mon éloignement progressif de la gauche orthodoxe était une démarche volontaire. Désormais, c’est la gauche orthodoxe qui s’éloigne de moi. Et c'est cette surprenante inversion des termes du débat qui m’amène à revisiter le slogan à la mode : « une autre gauche est possible ! »
J’avais déjà, depuis quelques années, pris l’habitude de m’éloigner progressivement des mânes des dogmes de la gauche orthodoxe. Après avoir dansé, ado, dans les rues le soir du 10 mai 1981, manifesté ma haine du tout nucléaire un bandana sur le nez, souhaité le succès d’un programme commun associant communistes éclairés et socialistes modernes, vibré en entendant Mitterrand à Cancun, Mitterrand à la Knesset, Mitterrand à La Baule, j'ai décidé de prendre un peu de recul, un peu de distance, et de me mettre à penser par moi-même...
Cette ébauche de dérive droitière tenait, au départ, de l’acte volontaire. Ainsi, postulant un beau jour qu'il n’était pas essentiel de faire fabriquer des voitures par l’Etat pour « changer la vie », je suis devenu moins hostile à la privatisation de Renault. Un peu plus tard, j’ai commencé à accepter l’idée qu’il n’y avait rien de scandaleux à fermer un bureau de poste dans un village de quatre habitants, le facteur n’interrompant pas pour autant ses tournées quotidiennes et le service public y retrouvant ses petits.
Manifestement, le ver était dans le fruit et, une infidélité au dogme en amenant une autre, je me suis mis à apprécier l’action d’un Tony Blair (4,5% de chômage, croissance élevée...) ou le discours d’un Dominique Strauss-Kahn (4,5% de chômage potentiel, croissance élevée possible...) ; bref, j’étais à point pour une transformation en social-traitre, à l’instar de la métamorphose d’un Gregor Samsa en cancrelat géant (ou d'un prince Actarus en Goldorak flamboyant, c'est selon)…
J'ai désormais le curieux sentiment d’avoir cessé de dériver sans pour autant voir s’interrompre cet éloignement graduel. Non pas, bien évidemment, que mes vaticinations puissent avoir le moindre impact sur les grandes orientations de la doxa sinistra, mais force est de constater que c’est la gauche authentique, aujourd'hui, qui s’écarte de mon point d’ancrage.
Des exemples ? Pas de problème :
L’un des grands espoirs de changement portés par la gauche en 1981 passait par la mise au rancart de cette opposition entre « Paris et le désert français ». La décentralisation, qui allait permettre l’émergence de vraies « métropoles régionales d’équilibre », faire renaître la possibilité de « vivre et travailler au pays », ranimer la flamme des patrimoines culturels locaux, était souhaitée, désirée, exigée même... Les premières initiatives de Gaston Defferre en ce sens furent même critiquées par une partie de la gauche, qui trouvait que les choses n’allaient pas assez vite, pas assez loin.
Depuis l’an dernier, avec ce conflit au long cours des enseignants, la décentralisation est devenue un projet « de droite ». Décrétée porteuse de nouvelles inégalités entre régions riches et régions pauvres, elle est combattue avec la dernière énergie par des bataillons de fonctionnaires refusant le démantèlement de structures nationales autrefois décrites comme « jacobines », mais désormais admirées pour leur capacité à préserver « l’égalité ».
Exit la décentralisation de gauche. Moi, j’y suis resté favorable.
Mais ce n'est pas tout. La poursuite de la construction européenne, que je croyais être une sorte d’invariant, de constante de la gauche française, d’alpha-cum-oméga de toute réflexion historique progressiste, est aujourd’hui remise en question par les grands prêtres de la Vérité vraie. D'accord, et en dépit des manœuvres fabiusiennes ou mélenchoniennes, le PS a fini par voter en faveur du traité constitutionnel. De même, les Verts ont accordé, du bout des lèvres, leur blanc-seing à ce projet que seule une certaine droite perçoit comme une nouvelle étape vers le fédéralisme. Et, bien entendu, il est assez improbable de voir la gauche « raisonnable », au-delà de communistes et de trotskystes n'ayant jamais été européens, voter Non le jour du référendum officiel...
Mais elle votera Oui sans passion, sans désir, sans acceptation pleine et entière de cette nouvelle étape du processus d’intégration. L’Europe n'intéresse plus la gauche. Et ce n’est pas le baratin creux sur cette « autre Europe possible », en gestation en quelque endroit secret, qui me fera changer d’avis sur ce que je ressens, aujourd’hui, comme un refus pur et simple de l’Europe. Un refus de l’Europe du réel, ce continent curieux dont les membres non-français refusent, allez comprendre, de s’aligner sur Besancenot ou Emmanuelli pour expliquer le monde sans pour autant être les suppôts d’un capitalisme aux doigts crochus.
Exit la construction européenne. Moi, j’y suis resté favorable.
Dernier avatar en date de cet éloignement de la gauche de ma zone personnelle de mouillage (métaphore nautique, n'allez pas vous faire des idées), ce débat grotesque sur la réforme du bac.
Depuis quelques jours, des dizaines de milliers, que dis-je, des centaines de milliers (enfin, selon la police, mais des milliards selon les organisateurs) de lycéens défilent dans les rues pour défendre le bachot, cette espèce de loterie du savoir, ce rite initiatique aussi archaïque dans sa conception que le service militaire comme mode d’initiation à la citoyenneté. L’objet de leur ressentiment : l'apparition du « contrôle continu », soit une procédure jadis conquise de haute lutte par les syndicats d'étudiants, qui imposèrent par la grève l'introduction des partiels en lieu et place d’examens universitaires « couperets » !
Le contrôle continu, qui permet d’abandonner le bachotage au profit d’un travail plus harmonieux, plus respectueux des rythmes de l’élève est donc, le saviez-vous, « de droite », « antisocial ». Il serait même le moyen secret via lequel le diabolique Fillon espère élargir la fracture entre élèves des beaux quartiers et lycéens des banlieues... Mais la gauche, vigilante, a vu clair dans son jeu et a su proposer à des jeunes révoltés par tant de bassesse les arguments critiques indépassables permettant de dénoncer l’iniquité du projet.
Incidemment, l’ami Fillon, s’il était vraiment diabolique (et s’il avait un peu d’humour), devrait immédiatement proposer de supprimer, outre son projet, le système de contrôle continu dans les facs, arguant du fait que cette procédure antisociale permet de distinguer les diplômes décrochés à Dauphine de ceux décernés à Nanterre.
Quoi qu'il en soit, exit la modernisation de ce rite de passage conçu pour les quelques bourgeois qui, il y a un siècle, passaient leur bac avant d’aller faire leurs Humanités en Sorbonne et d’intégrer la banque de papa... Pour ma part, en tout cas, je ne pense pas que le contrôle continu soit particulièrement « de droite ». Je le trouverais même, plutôt très « de gauche ». Même si la manière dont il allait être introduit méritait d’être précisée, histoire de désamorcer les angoisses des obsédés de la société à deux vitesses.
Au terme de ces réflexions d’un homme de progrès déboussolé par la remise en cause de repères jadis intangibles, « être de gauche » a-t-il encore un sens ? Il me semble que oui. Mais c’est peut-être, pour rester dans la référence à nos amis orthodoxes, qu’une « autre gauche » est effectivement possible. Tellement possible, d’ailleurs, qu’elle existe déjà à Stockholm, à Oslo, à Copenhague et, pourquoi pas, à Londres...
© Commentaires et vaticinations
Je ne dis rien, je réfléchis...
Rédigé par : Vinvin | jeudi 17 février 2005 à 19:22
Prends ton temps, c'est pas complètement fini. Je dois encore modifier des petits trucs ici et là...
Rédigé par : Hugues | jeudi 17 février 2005 à 19:26
Toujours pas fini, mais on s'approche.
Rédigé par : Hugues | jeudi 17 février 2005 à 23:57
On commence comme ça, et on finit par lire Bloy!!!!!
Rédigé par : Tlön | vendredi 18 février 2005 à 11:34
Ben oui, mais c'est pas gagne...
Rédigé par : Scope | vendredi 18 février 2005 à 11:53
Evoquer les mânes de la gauche orthodoxe suppose que celle ci est défunte, ce qui est faire preuve d'optimisme, me semble-t-il.
Rédigé par : Philippe[s] | vendredi 18 février 2005 à 16:05
Philippe[s],
C'est sûr, mais j'aimais bien le mot. Et maintenant, c'est plus pareil. Tu as brisé le charme.
Rédigé par : Hugues | vendredi 18 février 2005 à 17:49
Désolé, cependant "les dogmes" est parfaitement adapté pour la gauche orthodoxe.
Quoique je m'aperçoive que "les mânes" peut signifier (dans une acception peu courante à mon avis) "les divinités infernales" par opposition aux dieux d'en haut. La gauche orthodoxe serait-elle infernale (interrogeons Léon Bloy à ce sujet)? Mais qui sont alors "les dieux d'en haut"?
Rédigé par : Philippe[s] | samedi 19 février 2005 à 11:44
Nous sommes au moins d’accord sur deux points : 1. le monde bouge, les temps changent et les repères évoluent ; 2. DSK est le meilleur président possible aujourd’hui en France.
Je te rassure également : la décentralisation et l’Europe peuvent rester des idées de gauche... Mais elles peuvent aussi servir une politique de droite. Tout dépend de la manière dont on les met en oeuvre. Désolé, mais il ne suffit pas de prononcer le mot "Europe" ou le mot "décentralisation" pour qualifier un projet ou une proposition, la réalité est beaucoup plus complexe.
Exemple (je sais que tu aimes bien les exemples) : si l’Europe, c’est la directive Bolkenstein, tu dois laisser la possibilité aux hommes de gauche (comme DSK), sans les accuser de renier leur engagement européen, de ne pas accepter aveuglément ce type de proposition dangereuse (d’ailleurs même la droite française est contre et je n’imagine pas que tu puisses te laisser dériver au-delà sur l’échiquier politique). Idem pour la décentralisation, si elle devient synonyme de désengagement de l’Etat et de suppression de financements publics ou de sabotage en règle de l’égalité républicaine fondatrice de notre société.
Pour le contrôle continu au Bac, c’est pareil. Comme l’a dit DSK jeudi soir, l’introduction du contrôle continu (qui n’est pas mauvais en soi, bien sûr) risque de mettre à mal la valeur universelle de ce diplôme pivot de l’éducation française. En effet, qui peut croire que les notes obtenues en contrôle continu dans une ZEP de la banlieue parisienne ou au fin fond de la Creuse ont la même valeur que celles distribuées dans les lycées des beaux quartiers parisiens ? Or le Bac, aujourd’hui, c’est un examen unique, avec des sujets qui sont les mêmes (au moins dans chaque académie) et un mode de correction homogène. Et le Bac, c’est aussi le passeport indispensable vers des études supérieures.
Qui peut croire également que c’est ce type de réforme qui va améliorer le système éducatif français ? Les priorités sont évidemment ailleurs. Et je ne sais pas très bien si c’est de gauche ou de droite (plutôt de gauche quand même, me semble-t-il), mais je trouve en tout cas rassurant et réconfortant pour une société que ses adolescents descendent dans la rue pour dire : « nous, on veut que le Bac garde la même valeur partout ! ». Les inégalités sont déjà suffisamment grandes et les dés suffisamment pipés dès le départ pour qu’il ne soit besoin d’en rajouter (tous ceux qui fréquentent ce blog, moi y compris, le savent bien, eux qui ont eu la chance, dès la naissance, de s’être retrouvés plutôt du bon côté). Ce projet de réforme scolaire, comme l’a dit également DSK, manque d’ambition et sert surtout de cache-sexe aux suppressions de poste massives (que chacun peut vérifier dans les écoles de ses enfants) qui, plus que la réforme elle-même, sont la cause des manifs lycéennes et enseignantes.
Tu veux un projet de gauche moderne, européen et susceptible de rassembler une majorité de Français ? Ne cherche plus : ton champion, DSK, l’a esquissé jeudi soir, après un subtil repositionnement stratégique. Mettre le paquet sur l’éducation et sur la recherche ! "Investir sur les bébés" et sur l’intelligence ! De la crèche à l’Université, de la maternelle aux grandes écoles, en passant par les collèges et les lycées, et en concentrant les moyens aux endroits où les besoins sont les plus grands. La recherche de "l’égalité réelle" et la mise en œuvre d’"une société du savoir et de la connaissance". "Oui, mais l’éducation, ça coûte cher...", font remarquer certains esprits avisés, raisonnables et pragmatiques. "Essayez donc l’ignorance", leur répond DSK, citant Lincoln.
Tu veux un projet de gauche moderne, européen et susceptible de rassembler une majorité de Français ? Suivons une nouvelle fois DSK : "il faut revoir l’équilibre profits/salaires" et le partage de la valeur ajoutée, au besoin en organisant un Grenelle sur les salaires et en inventant une nouvelle "politique des revenus" (même Gaymard, "en tant que gaulliste", est d’accord). L’annonce de résultats records de certaines grandes entreprises françaises et l’utilisation qui est faite de ces profits (tout pour les actionnaires et le désendettement, rien pour les investissements et les salaires) choque même Raffarin...
Tu veux un projet de gauche moderne, européen et susceptible de rassembler une majorité de Français ? Comme DSK, dis oui à la "sécurité sociale professionnelle" (ou "sécurisation des parcours professionnels"), oui à la formation tout au long de la vie, oui aux "nationalisations temporaires" pour éviter une délocalisation lorsque l’entreprise est viable et potentiellement rentable, oui à la réduction du temps de travail qui a quand même créé 350 000 à 400 000 emplois (selon l’INSEE, DSK et "tous les journalistes de la terre entière") et qui pourrait sans doute permettre d’en créer beaucoup plus si les entreprises n’étaient pas uniquement centrées sur la rémunération de leurs actionnaires et si les gains de productivité n’absorbaient plus complètement la baisse du temps de travail, non aux baisses d’impôts des ménages les plus aisés, etc. Il se construit, il sera cohérent, européen et moderne, ce nouveau projet de société, à condition de ne pas perdre de vue sa logique en cours de route : "le réformisme radical" (et dans réformisme radical, il y a aussi radical).
Juste trois autres petits conseils : 1. résilie ton abonnement à The Economist ; 2. arrête de regarder ailleurs (même si les exemples étrangers peuvent assurément être instructifs, on ne plaquera pas le modèle danois, suédois ou norvégien, et a fortiori britannique, sur notre petit village d’irréductibles Gaulois) ; 3. ne te trompe pas d’adversaire : l’extrême-gauche en France, c’est un électorat très volatil (entre 2% et 10%), un vote "branchouille", "iconoclaste", "aiguillon" ou "défouloir", mais la plupart de ces voix ont vocation à se retrouver sur le candidat de gauche au second tour (s’il y a un second tour bien évidemment).
Le vrai choix, ce sera entre Sarkozy (ou Chirac) et DSK (ou Hollande ou Jospin). Et tu peux voir facilement la différence et te situer tranquillement, sans états d'âme (personne ne te demande de remettre ton bandana et d'aller manifester contre le nucléaire)...
Rédigé par : Michel B. | samedi 19 février 2005 à 13:46
Yo Michel B.!
Bien vu sur DSK. Tu viens enfin d’ouvrir les yeux ! Enfin, tu viens enfin d’admettre publiquement ce que tu avais depuis longtemps entériné sans vouloir l’avouer aux yeux du monde : la social-démocratie est l’avenir de la gauche. Mais la question est de savoir si elle ne préfèrera pas se suicider au lieu de te suivre sur le terrain du bon sens. En tout cas, Fabius & Co feront tout pour ça. « Viva la muerte », comme disait l’autre… (by the way, Philippe[s], si la gauche se suicide, je redégaine mes mânes !).
Par contre, sur l’idée que l’Europe puisse aussi servir à la propagation d’idées de droite… Et alors ? C’est une chose qui arrive aussi à la France. Et il n’est pourtant pas question de la dissoudre. Mais moi, qu’un débat de nature politique existe au niveau communautaire ne me pose pas le moindre problème, au contraire. D'ailleurs, si j’étais le boss, la plupart des partis politiques auraient depuis longtemps fusionnés à l’échelle européenne, les débats économiques, culturels, techniques, sanitaires, environnementaux n’ayant plus beaucoup de sens à l’échelon national.
La directive Bolkenstein ? C’est une absurdité. Il est normal qu’elle soit combattue. Mais, je n’en ferai certainement pas l’exemple de ce que l’Europe a de mieux à offrir. Pas plus, en tout cas, que n’importe quelle connerie proférée par n’importe quel con bien de chez nous. Quant à la décentralisation, ce n’est pas la tentative d’intox des profs, l’an dernier, qui me convaincra de sa capacité à foutre en l’air « l’égalité républicaine »… Le chantage au service public comme alibi corporatiste, on connait : http://hugues.blogs.com/commvat/2005/01/lutte_contre_le.html
Mais si tu dis vouloir, toi aussi, une vraie décentralisation sans désengagement de l’Etat, qu’est ce que ça veut dire au fond ? Si des compétences sont déléguées aux régions, l’Etat doit fatalement se désengager. Autrement, s’il s’agit simplement de dupliquer, non-merci ! Dans cette histoire, le rôle de l’Etat est seulement d’assurer, partout où il décentralise, une péréquation par l’impôt permettant de rétablir un équilibre des moyens. Mais là, tout le monde est d’accord et ce n’était évidemment pas le motif de la grève des profs.
Sur le bac, je viens tout juste d'entendre Lang sur France Culture, dans l'excellente émission de l’excellent Jean-Marie Colombani (La rumeur du Monde : http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/rumeur/ ), expliquer qu’il était en fait « assez favorable au contrôle continu pour le bac, mais que la mesure avait été mal expliquée par le gouvernement ». Un discours plutôt différent de ses interventions au 20 heures, ces derniers jours, où il affirmait doctement que la colère des lycéens sur ce point était légitime, et que le bac était un « rituel républicain » qu’il est interdit de toucher.
Il a d’ailleurs passé des plombes à se référer, tout comme moi, aux sociaux démocrates suédois, lesquels disposent, incidemment, d’un bac en contrôle continu (mais il est vrai que le modèle scandinave ne nous est pas accessible pour un tas de raisons aussi valables qu’obscures – j’ai malheureusement tendance à l’oublier).
Pour le reste, l’intervention de DSK sur l’éducation. Je suis évidemment 100% d’accord avec lui. Mais on peut aussi s’interroger sur la question des « moyens », sans lesquels « rien n’est possible ». L’Etat consacre déjà 25% de son budget à ce poste, soit plus que la plupart des pays comparables en pourcentage de PIB et en valeur absolue par élève. Pourtant, d’après les études comparatives de l’OCDE, et au vu de notre taux d’échec scolaire, on fait plutôt plus mal qu’un tas d’autres pays.
Peut-être que les moyens ne sont pas tout (que faut-il faire, consacrer 50% du budget à l’éducation ? 100 % ? 120 % ?) et qu’il faut aussi regarder du côté de la méthode, d’où le besoin de réforme. Et d’ailleurs, dans ce contexte, c’est peut-être de décentralisation dont la France de l’éducation a besoin, comme le disait d’ailleurs Djack, décidément très peu orthodoxe, dans la même émission dont je recommande vraiment l’écoute.
Je finirai sur les points suivants : comme moi, DSK ne pense pas que les 35 heures soient la panacée. Il cite bien sûr l’enquête de l’INSEE sur les 300 000 postes, mais n’insiste pas sur leur coût ou même le fait qu’il ne s’agisse pas de créations nettes (http://hugues.blogs.com/commvat/2005/02/35_heures_lidol.html ). Ce qu’il dit, toujours comme moi, c’est que c’est la croissance des années Jospin (+ DSK !) qui a créé des emplois. Et que la croissance mondiale actuelle n’est absolument pas utilisée par ce gouvernement d’incompétents...
Quant à mon abonnement à The Economist, je le vois comme 20 ans de formation continue à l’étude d’une certaine vision de la chose économique, formation dispensée d’une manière bien plus iconoclaste que tu ne le crois (et en tout cas beaucoup moins « pensée unique » que le Diplo, que je n’ai même pas besoin de lire pour savoir ce qu’il raconte mais que je lis parfois pour confirmer ce sentiment).
Mais bon, quand l’heure viendra, j’irai voter DSK avec un immense plaisir. Et s’il le faut, j’irai même voter Hollande avec l’espoir qu’il nomme DSK Premier ministre et aille jouer aux billes en Corrèze. Mais si c’était Fabius ou un clone (un clown ?) du même acabit, franchement, je serais bien embêté. Et bien que n’ayant jamais voté autrement que pour le PS (une ou deux fois, j’ai pensé voter Vert mais j’ai craqué au dernier moment), ce coup là, je crois que je serai dans une drôle de situation. Et je peux te dire que, quand les bons petits soldats comme moi, même aussi ouvertement critiques, en sont à imaginer qu’ils pourraient ne pas voter PS, le PS est mal. Enfin, passons déjà le cap du référendum et attendons la suite…
Rédigé par : Hugues | samedi 19 février 2005 à 19:14
Sans vouloir polémiquer à l'infini (j'ai dit ce que j'avais à dire et je le maintiens), juste deux remarques...
La première est sémantique : je préfère nettement le terme de "réformisme radical" (copyright DSK), éventuellement accolé à socialisme (à moins que cela ne soit définitivement devenu un gros mot), que celui de social-démocratie, qui reste quand même un peu tiède, très général et dont peut se réclamer n'importe qui en position de gouverner (le PS ou l'UMP). Et comme je le disais, dans réformisme radical, il y aussi radical. Et c'est bien de mesures radicales dont nous avons besoin, sur l'éducation, sur la recherche, sur le partage de la valeur ajoutée, sur la sécurité sociale professionnelle, etc.
Deuxième remarque, en forme de question : si je suis bien ton raisonnement, entre Sarko et Fabius, tu serais "bien embêté" pour faire ton choix. Alors : Abstention ? Vote blanc ? Es-tu vraiment mûr pour franchir le pas et donner ta voix au sémillant porte-drapeau de la droite sans complexe ? Ou bien, la mort dans l'âme, tu te dirais quand même que ce n'est pas possible et tu déposerais dans l'urne un bulletin au nom du traître anti-constitution européenne ?
Rassure-toi, tu n'uras pas à faire ce choix. Pour des raisons toujours obscures (une vraie conviction ?), Fabius s'est suicidé politiquement dès qu'il a pris cette position anti-constitution européenne. Il ne peut plus être le candidat du PS.
Rédigé par : Michel B. | samedi 19 février 2005 à 21:37
Je crois aussi au suicide politique de Fabius, non pas à cause du "Non au TCE" (qui peut ?!? être une conviction recevable), mais à cause du "Non sauf si", épisode qui aura du mal à être effacé de toutes les mémoires, et qui le montrait sous un jour ridicule, politicard et incohérent.
Rédigé par : Bladsurb | dimanche 20 février 2005 à 14:25
Tout à fait ok avec Michel b et Hugues.
Entre l'égoisme de la droite et le dogmatisme imbécile de la gauche dure, il y a un espace pour une vraie pensée politique réformiste, de gauche et généreuse.
Rédigé par : socdem | lundi 21 février 2005 à 14:52
Pour être complet, il manque dans ton réquisitoire, que le fait d'être contre les restriction d'accès à l'aide sociale (comme pratiquée en Allemagne et au Royaume Uni), contre les frais d'inscription prohibitif en fac (comme au Royaume Uni), contre le fait que des salariés doivent cumuler 2 emplois pour avoir des revenus décents (ça existe au Royaume Uni), contre le fait que les retraités ait à cumuler un emploi et leur retraite pour avoir des revenu décents (merci Fillon, ça arrive en France) ... j'en passe, c'est ne rien avoir compris ...
Tu iras le dire aux millions de manifestants Allemand qui protestaient contre les réformes de Schroeder. Eux aussi n'ont rien compris.
A propos, tu as oublié que les statistiques de la pauvreté en France n'ont rien à envier à celle d'outre Manche. Et derrière les statistique, il y a des hommes et des femmes ... et parfois des électeurs ravis d'apprendre que tout va bien ... au niveau macroéconomique.
Le "réformisme" est aussi un dogme marxiste : qui vais-je croire, les faits ou DSK ? (Merci Groucho). Une fois que tu as oublié les faits, DSK a raison. Mais pour le même prix, Raffarin aussi ... EDt lui il est plus drôle, dans son style.
Rédigé par : Simon | lundi 21 février 2005 à 22:06
Simon,
Pour ton histoire de cumul de deux emplois pour avoir un revenu décent, tu dois confondre la Grande-Bretagne avec les Etats-Unis. Mais il s'agit d'un phénomène assez fréquent, dans le cadre de la dénonciation globale et peu subtile des "Anglo-Saxons".
Lorsque que je vivais en Angleterre, il y a plus de 15 ans, le différentiel de salaire était largement à l'avantage de la France et le PNB local était inférieur de 30% au notre. Désormais, c'est le contraire. Et si tu veux avoir une idée des salaires britanniques, beaucoup plus élevés que les nôtres, tu peux jeter un coup d'oeil à l'excellent site de stats officielles que voici :http://www.statistics.gov.uk/cci/nugget.asp?id=285
Mais je peux déjà te préparer le boulot en t'indiquant que le revenu brut médian des salariés à plein temps est de 22 000 livres / an, soit 32 000 euros. Un tel salaire, en France, te placerait dans le top 15%.
Le taux de chômage est de 4,7%. Et ce n'est pas une fiction ("chomeurs découragés", ou autres...), puisque le taux d'emploi, c'est à dire le taux de participation des personnes en âge de travailler à l'activité économique est l'un des plus élevés du monde, à près de 75% : http://www.statistics.gov.uk/cci/nugget.asp?id=12
Remarque, la dernière fois que j'ai une discussion sur ce thème, on m'a dit que le chômage était faible en Grande-Bretagne parce qu'il y avait 2 millions de personnes en prison... aux Etats-Unis.
Rédigé par : Hugues | mardi 22 février 2005 à 10:40
Soit ... Il faut savoir admettre ses erreurs.
Tu ne me répond pas sur les hausse de frais d'inscriptions dans l'enseignement supérieur et les restrictions d'accès à l'aide sociale.
Cependant, je suis totalement en accord avec toi qu'il y a une décentralisation de gauche, donnant les moyens aux collectivités auquelles des responsabilités, que le bac (et surtout l'articulation de l'enseignement supérieur) devrait être réformé ... Mais être contre une réforme particulière n'est pas être contre LA réforme ...
Je ne pense pas faire parti des force de l'immobilisme dénoncé par Sarkozy en disant cela.
Rédigé par : Simon | mardi 22 février 2005 à 15:04
Simon,
Sur l'enseignement supérieur en Grande-Bretagne, de nouveaux droits d'inscription ont été introduits l'an dernier. Les facs ont la possibilité droit de demander jusqu'à 3 000 livres par an ; elles décident de manière autonome de fixer le niveau de ces frais.
Mais dans le même temps, les étudiants ont droit à des prêts à 0% couvrant la totalité des frais. Et ces prêts ne deviennent remboursables qu'au moment où, une fois entrés dans la vie active, les anciens étudiants gagnent plus de 15 000 livres par an. S'ils n'atteignent jamais ce montant (il leur suffit de venir vivre en France pour être certains de ne pas y parvenir), ils n'ont pas besoin de rembourser. S'ils doivent rembourser, ils peuvent échelonner sur des décennies.
Mais la logique du système est de mieux financer les facs dans l'optique d'une massification de l'enseignement supérieur, massification moins avancée qu'en France. Le résultat, en tout cas, c'est que les facs britanniques n'ont pas grand chose à voir avec les nôtres (pas d'amphis surpeuplés ou de centaines de milliers de personnes en première année de droit ou de psycho, pas de campus délabrés et sans moyens). Les étudiants ont tendance à être plus motivés et les taux d'échecs sont plus faibles.
On entend aussi dire, en Grande-Bretagne, que la collectivité n'a pas à supporter la totalité de l'investissement dans un système universitaire qui ne profite qu'à une fraction de la population. On dit aussi qu'il est normal de demander une contribution à des gens dont la carrière sera plus rémunératrice que celle des gens qui ne passent pas par la fac.
Je ne sais pas qui a raison, eux ou nous, mais je ne pense pas qu'un pays comme la France, qui décide que la fac est une sorte de droit universel mais qui investit moins pour un étudiant que pour un lycéen, soit très au point. D'ailleurs, chez nous, les étudiants les plus brillants ne fréquentent plus la fac mais les grandes écoles, ce qui finit par revenir au même puisqu'il faut aussi de l'argent. Sauf que les grandes écoles ne forment quasiment que des épiciers de luxe (même les centraliens ou les X finissent en commerciaux) alors que, dans le système britannique, les meilleurs s'orientent parfois vers la recherche.
Rédigé par : Hugues | mardi 22 février 2005 à 17:50
oups probléem de clavier.
Simon tu m'inquiétes car tu sembles systématiquement préférer les bagarres internes entre socialistes au combat contre la droite.
D'ailleurs tu le dit toi-même,de façon ironique, tu préféres Raffarin à DSK...
Ne jette pas le bébé avec l'eau du bain: Dire que DSK=Blair=hausse des frais d'inscription est un peu court.
Le premier n'a jamais remis en cause le droit pour un étudiant de s'inscrire à la fac et assimiler deux personnes parce qu'elles se réclament toutes deux de la gauche réformiste c'est presque la même démarche que lorsque les communistes se font reprocher le régime polonais par les mecs de droite sur les marchés.
Ceci dit je suis d'accord avec Hugues: La France, modéle vénéré par la gauche de la gauche consacre moins d'argent en pourcentage de son PIB à l'éducation que d'autres... Mais on préfére se gargariser dans son pré carré...
Rédigé par : socdem | mercredi 23 février 2005 à 17:25
une petite réponse en passant :
pourquoi l'enseignement service publique doit il être gratuit ?
Tout simplement pour permettre l'égalité d'accès quelquesoit le milieu social d'origine. L'impot proportionnel et progressif est redistributif : pas la peine de partir dans une logique usager payeurs que tu sembles trouver positive dans le financement de l'ensignement supérieur.
-> Socdem
Je ne fais pas d'amalgame. On me dit que la voie anglaise ou allemande est à suivre, j'en doute et j'explique mes objections, c'est tout.
Je n'ai jamais affirmé DSK=Blair. Il me semble juste que le PS avait déjà une ligne réformiste que Jospin (avant la panne) illustrait parfaitement.
Rédigé par : Simon | jeudi 24 février 2005 à 23:24
pour paraphraser cette chère dame que tu "cites" : "just do it"... Faisons le/la ! Ou qui, sinon ?
Rédigé par : nico | dimanche 27 février 2005 à 00:47
"On entend aussi dire, en Grande-Bretagne, que la collectivité n'a pas à supporter la totalité de l'investissement dans un système universitaire qui ne profite qu'à une fraction de la population. On dit aussi qu'il est normal de demander une contribution à des gens dont la carrière sera plus rémunératrice que celle des gens qui ne passent pas par la fac."
On peut aussi voir que cette contribution sera remboursée non par le remboursement d'un prêt mais par l'impôt sur le revenu qui sera plus élevé grâce au grâce au salaire plus élevé grâce au diplôme plus élevé.
Moi je préfère ça que l'étudiant pauvre qui pour démarrer dans la vie commence avec 3000 livres au compteur ... Au moins avec l'IR, c'est plus indolore. Surtout qu'on en revient à ça avec l'équation "tu rembourses si tu gagnes plus de 15.000 livres/an" donc j'ai du mal à saisir l'intérêt de ça par rapport au remboursement par l'IR. Enfin si, un petit problème de trésorie et de "fond de roulement" ? Pitoyable, mais bon, c'est Blair ...
De toutes façons, ça, ça marche sauf s'il l'on détruit cet impôt progressif comme un certain petit Nicolas ...
Rédigé par : "huge" | jeudi 03 mars 2005 à 21:45