On aimait les Chinois lorsqu’ils étaient pauvres, mais ces irresponsables se sont enrichis. Les Indiens, misérables, nous étaient sympathiques, mais un intouchable spécialiste du cryptage logiciel, ça fait bizarre. L’Afrique, au moins, reste fidèle au rôle que nous lui avions assigné. Mais pour combien de temps ?
Pour les gens de ma génération – j’ai désormais franchi le cap de la quarantaine – la métamorphose de la Chine ou de l’Inde en fers de lance du capitalisme et du dynamisme économique ne coulait pas vraiment de source. Immenses territoires peuplés de miséreux subissant, au gré de leurs préférences historico-culturelles, l’avanie maoïste ou l’horreur du système des castes, ces blocs représentant, plus ou moins, la moitié de l’humanité étaient la pierre dans le jardin de notre confort d’occidentaux repus.
Ils crevaient de faim ; nous passions notre temps à jeter de la nourriture par les fenêtres ; ils n’avaient rien, nous avions tout. Et notre souhait le plus cher, répété comme un mantra, était de voir les choses changer pour que les 20% de terriens les plus prospères ne s’approprient plus 80% des richesses de la planète. Rares étaient les voies dissonantes sur ce point, la possibilité, pour nos amis orientaux, de mettre la main sur un bol de riz quotidien nous paraissant le minimum du minimum.
Mais voici que la Chine et l’Inde, stimulées par nos voeux d’égalisation par le haut, se sont mises à se développer, s’éloignant alors, qui de la rizière, qui du Gange, pour se mettre à filer, qui des T-shirts, qui des lignes de code informatique. Las, ces naïfs du bout du monde avaient oublié que notre concept du partage des richesses n’était pas à prendre de manière aussi littérale. Et que si partage il devait y avoir, il s’agissait essentiellement du partage des richesses de ceux de nos voisins qui semblaient en avoir à revendre. Le magot des impérialistes américains, par exemple, ou celui de leurs petits cousins japonais. En tout cas, pas le nôtre, quoi…
Clairement, tailleurs et plasturgistes chinois sont désormais nos ennemis. Quant aux comptables et programmeurs de Bangalore, ils devraient bientôt les rejoindre au menu de nos détestations consensuelles. Qu’une directive quelconque leur permette de gérer le back-office informatique de l’une de nos compagnies d’assurance et nous descendrons aussitôt dans la rue. Leur succès est notre défaite. Leur croissance notre récession.
Même l’Amérique latine, longtemps perçue comme le terrain de jeu de généraux Tapioca manipulés par la CIA, est en train de les rejoindre sur le chemin du développement. Et les Brésiliens, dont nous appréciions les émouvantes favelas, se piquent désormais de fabriquer des machines à laver et d’exporter des céréales. Les Argentins, moins retors, nous avaient bien rendu l’hommage d’une spectaculaire cessation de paiement ; mais avec une croissance de plus en plus rapide, ces ingrats seront bientôt sortis d’affaires.
Franchement, c’est à vous dégoûter de prendre d’assaut les rues de Seattle si, dans un bel ensemble, les pauvres d’hier passent leur temps à s’enrichir, rendant nos discours de principe aussi creux qu’une assiette à potage. Il nous reste pourtant, et c’est assez réconfortant face à tant de désespérance tiers-mondiste, l’Afrique et ses difficultés chroniques.
Traversé de conflits ethniques, pré carré de nos multinationales et de nos organisateurs de rallyes automobiles, écrasé par les pandémies, brisé par la désertification, le continent noir reste indéfectiblement fidèle à notre vision de la pauvreté méritante, une pauvreté présumée exogène, western made, naturellement entretenue par notre égoïsme de nantis pâles et obèses. Formidable ! C’est bien simple, sans l’Afrique, que nous resterait-il à exiger de l’OMC, au-delà de la défense de nos propres intérêts face à ceux des Américains, des Néo-Zélandais ou des Polonais ?
Mais imaginons un instant que l’Afrique, ou disons quelques uns de ses pays à fort potentiel, du Zaïre au Nigeria, du Sénégal au Cameroun, s’avise de remettre ses affaires en ordre au plan économique et réussisse à décoller. Imaginons que l’Algérie mette enfin ses ressources pétrolières et gazières au service d’un développement harmonieux et durable…
Dans ce contexte, nos amis africains ne se mettraient évidemment pas à fabriquer, en phase de démarrage initial, des lecteurs MP3 ou des satellites. Ils auraient plutôt tendance à suivre la voie chinoise en profitant de la faiblesse du coût et de l’abondance de leur main d’œuvre pour produire du seau de plage et du slip rayé à tire-larigot. Ils se spécialiseraient inévitablement, avant de passer à autre chose, dans le briquet jetable et l’assemblage de jouets pour enfants. Et une fois ces babioles fabriquées, c’est bien en Europe, chez nous, en toute logique, qu’ils chercheraient à les commercialiser. Les francophones parmi eux, enfin dotés de structures de formation efficaces, pourraient même se sentir attirés par la stratégie indienne, Cotonou jouant les Bangalore et récupérant les miettes de notre sous-traitance informatique.
Combien de temps faudrait-il alors à la classe politique française pour hurler à la concurrence déloyale de ces pays, ordonnant au Mali et au Sierra Léone de se doter d’un système social comparable au notre avant d'oser tester nos marchés ? Combien de temps faudrait-il avant de voir la France exiger de l’Ethiopie ou du Libéria l’établissement de régimes fiscaux proches des nôtres pour avoir le droit de nous vendre du mobilier de jardin en polypropylène ? Et un SMIC à 1 000 euros pour les ouvriers tchadiens ? Et un régime de retraite par répartition pour les Guinéens ? Et des tickets restaurant pour les salariés burkinabés ?
L’Afrique a ceci de pratique qu’elle autorise la permanence d’un discours tiers-mondiste obsolète ailleurs dans le monde. Elle nous permet de prétendre que le tropisme antilibéral de la France est un discours de générosité, comme si la fermeture de nos frontières à la bimbeloterie asiatique servait en fait à exiger une amélioration du niveau de vie de l’ouvrier chinois. Que la PAC soit le principal frein à l’émergence d’une agriculture africaine performante n’a pas d’importance, la France pouvant défendre, dans le même souffle grandiloquent, les aides européennes à nos exportations de poulet de batterie et la création d’une illusoire sous-taxe Tobin.
L’Afrique ne s’est pas encore éveillée. L’Afrique du sud, bien sûr, montre la voie. Et des petits pays comme le Botswana prennent un chemin encourageant. Mais qu’elle relève vraiment la tête et on verra ce qu’on verra… La France, que nul n'en doute, saura la rappeler à sa mission de poster boy de la pauvreté éternelle.
© Commentaires & vaticinations
Wow, un Noir dans un labo de chimie, tu as dû la chercher longtemps cette image, ce n'est pas à la télévision que l'on voit souvent un Noir exerçant dans une CSP+.
Ce texte me rappelle le mot de Desproges, sur "ces immigrés qui volent les poubelles des honnêtes Français entre 4h et 5h du matin".
Mais rassures-toi :
- une bonne partie de l'Inde crève encore la dalle (c'est joli l'image de l'Indien ingénieur informaticien, mais l'Inde ne se réduit pas au Maharashtra)
- l'Afrique subsaharienne est scarifiée de telle manière par le Sida qu'elle ne s'en remettra pas avant quelques décennies (voire probablement jamais)
Il n'y a vraiment que la Chine pour le moment dans le collimateur, heureusement notre altermondialiste de président a le dossier bien en main.
Rédigé par : François | vendredi 13 mai 2005 à 19:08
Ahhh
C'est étrange comment on peut passer à coté de l'histoire. Le mouvement "alter" hors de France n'est pas, heureusement (de manière général) au diapason de nos réactionnaires (attac, bové, monde diplo).
Je me demande d'où vient notre spécificité révolutionnaire franco-centré illuminatrice du monde sous doué qui nous entoure, les salauds : la révolution ? Bonaparte ? Max Gallo? Le doux temps des colonies ? De Gaule ? Uderzo ?
Heureusement le monde se construit sans nous.
Rédigé par : Eviv Bulgroz | vendredi 13 mai 2005 à 21:31
Hugues,
pour financer le SMIC à 1000 euros au Tchad, croyez-vous qu'on pourrait utiliser les fonds affectés aux aides aux entreprises (pour-le-maintien-de-l'emploi, bien sûr)?
Ce serait sympa pour les Tchadiens. Et si les patrons français arrêtaient de compter systématiquement sur l'intervention publique, ce ne serait peut-être pas un mal...
Dans l'histoire du textile chinois, il me semble que les pires cris d'orfraie ne viennent pas des alters, ni de la gauche, mais bien du MEDEF, devenu subitement colbertiste en s'appercevant qu'un accord signé il y a dix ans allait être appliqué.
Avez-vous remarqué qu'il y a un autre pays à grands principes (démocratiques et économiques) et aux ambitions universalistes, qui s'assoit sur tout celà de manière indécente lorsque ses intérêts économiques sont en jeu? Mais eux, comme ils parlent anglais, ce sont de vrais salauds.
Plus sérieusement, un esprit cynique pourrait vous faire remarquer le "partage des richesses" donne l'impression de s'opérer au détriment de "nos" pauvres, qui voient les emplois peu qualifiés délocalisés, et au bénéfice de "nos" riches, qui peuvent profiter de ce jeu-là.
Tant qu'on restera à 10% de chômage, il est vraisemblable que l'essor économique de la Chine et de l'Inde ne suscitera pas grand enthousiasme dans la majorité de la population française et que les populistes de tout poil pourront jouer sur nos peurs comme sur du velours.
Eviv,
des associations françaises, habituées à des actions concrètes et pragmatiques, semblent se rapprocher du mouvement alter international (ATD QuartMonde, par exemple, était présente à Porto Allegre). Il pourrait en sortir des choses intéressantes.
Quant à la spécificité de la France "éclaireuse du monde", je la ferai débuter avant la Révolution : on a été Le pays des Lumières et des Encyclopédistes (en pompant un peu sur les Anglais, mais bon..). On ne s'en toujours pas remis.
Rédigé par : unepassante(qui s'inscruste) | samedi 14 mai 2005 à 00:20
Je suis toujours aussi fan de ton style acide et pince sans rire.
Tu voudrais pas participer à http://www.publius.fr ?
Rédigé par : Eolas | samedi 14 mai 2005 à 11:30
François,
L'Afrique subsaharienne crève encore majoritairement la dalle mais, plus au nord, le développement de centres d'appels tunisiens travaillant pour des entreprises françaises est déjà un problème pour certains syndicalistes. C'est une assez bonne illustration du double-langage auquel nous sommes habitués : les immigrés ne sont pas les bienvenus chez nous, mais le développement économique dans leur pays d'origine n'est pas non plus une bonne chose. Que leur reste-t-il : l'accueil de nos touristes et l'aide internationale ? N'ont-ils pas le droit d'avoir d'autres ambitions ?
Eviv, Passante récurrente,
La France aime bien se singulariser et s'afficher comme porteuse de valeurs universelles aussi innovantes qu'iconoclastes, le reste du monde étant parfois trop arriéré pour se mettre au diapason.
En fait, je n'ai moi-même pas de vrai problème avec ça. L'idée d'être un pôle de réflexion iconoclaste, d'aller à l'encontre des idées reçues, de proposer "autre chose" est même assez plaisante. Et je peux même, dans ma francité ontologique, me sentir fier de cette capacité qu'a ce petit pays de rien du tout à peser sur les affaires du monde.
Ce qui est dérangeant, c'est l'énorme fossé qui existe entre cette volonté de promotion de valeurs à l'extérieur et la teneur concrète de ces valeurs. La France, aujourd'hui, n'est porteuse d'aucune réflexion pertinente sur ce qui se passe sur la planète. Arc-boutée sur une vision du monde figée dans les années 60, elle ne se projette dans rien, s'effraie de tout et est totalement incapable de penser le réel ou d'envisager l'avenir. C'est tout le contraire des Lumières, tout le contraire de ce qu'elle assure défendre.
Elle n'initie aucun débat, n'ouvre aucune brèche... La controverse constitutionnelle, par exemple, dont nous sommes si fiers puisqu'elle nous permet à nouveau de nous singulariser, n'est porteuse d'aucune idée nouvelle, les références des opposants à un Oui censément effrayant devant être trouvées du côté du nationalisme, du souverainisme ou du communisme (dans ses multiples variétés).
Cette lecture archaïque du monde empêche justement de comprendre que les choses avancent, que l'humanité ne se réduit pas à un kit de formules élaborées une fois pour toutes et applicables à n'importe quelle situation.
N’est-il pas curieux de voir à quel point la France se provincialise au plan de la pensée, de constater à quel point les débats initiés ici sont souvent le remake de débats réellement nés ailleurs, singulièrement aux Etats-Unis ? Mondialisation, féminisme, homosexualité, relations entre les communautés, discrimination positive, écologie…
Ce blog, d’ailleurs, a justement pour vocation d’être une sorte de France dans la France, un endroit où l’on pense autrement et où l’on ne répète pas inlassablement les mêmes conneries sans se poser de questions sur le dogme qui les sous-tend. C’est prétentieux ? Hey, je suis Français, non ? Donc je ne doute de rien…
Eolas,
Je te remercie. Mais il faut justement me voir comme une sorte de "membre inactif" de Publius, une initiative à laquelle je suis sincèrement fier d'appartenir mais à laquelle je n’ai pas beaucoup de temps à consacrer. En fait, vous êtes tous beaucoup trop rapides pour moi : à chaque fois que j’ai une idée de note, je découvre qu’elle vient justement d’être mise en ligne par l’un ou l’autre. Si j’étais maire de Boulogne-Billancourt, Pinault aurait claqué la porte bien plus tôt…
Rédigé par : Hugues | samedi 14 mai 2005 à 13:07
Hugues,
"passante récurrente" me plait bien - si vous êtes d'accord, je garde le surnom.
Tout à fait d'accord avec vous sur le vide de la réflexion française, et l'opposition entre les principes et l'action... mais moins sur la controverse constitutionnelle.
Malgré le niveau discutable de nombre d'intervention, c'est l'occasion pour nombre d'entre nous d'une "remise à niveau" sur le fonctionnement de l'Europe - et sur des choix économiques et politiques fondamentaux.
Ce pourrait être le début de quelque chose.
Rédigé par : Passante récurrente | samedi 14 mai 2005 à 13:49
nous avons enfin l'occasion d'ouvrir un débat sur l'Europe avec le vote du traité.
Ce dernier synthétise et exprime la vision qu'ont nos dirigeants de l'Europe: un marché où les peuples ne sont pas plus que des acteurs économiques avant d'être des hommes en tant que tel.
Cette constitution recèle bien des lacunes et des imprécisions, des flous, mais comme par hasard pas sur le coté économique qui est d'une clarté exemplaire et quasi pédagogique.
Erreur majeure dans ce traité: il est impossible de l'améliorer, de le modifier ou d'abroger une quelconque de ses dispositions sans l'unanimité or cela va être source de problèmes à moyen terme.
Rédigé par : Silvana | samedi 14 mai 2005 à 15:20
@Passante récurrente
Ce référendum est un moment important de ce pays, je le crois vraiment. Quelque en soit le résultat, il aura effectivement permis une remise à niveau du pays, non seulement sur le fonctionnement de l'Europe, mais également sur quel avenir pour la gauche française. J'ai été sidéré que "avortement/service publics/délocalisations" (pour causer comme Besancenot) fonctionne aussi bien. Il y a bel et bien un abcès à crever, il faut y aller.
En fait je crois que le TCE ne sert que de prétexte à une recomposition de la de gauche. Dans quel sens ? En attendant, perso , ça me permet de régler mes comptes avec attac/diplo/LCR etc. sans prendre aucun gant, donc c'est tout bénef :-)
Rédigé par : Eviv Bulgroz | samedi 14 mai 2005 à 16:27
Eviv,
je vous ai répondu sur votre blog -sous votre gentil poulet sur Attac et les autres (vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère!).
Rédigé par : passante récurrente | dimanche 15 mai 2005 à 00:05
Ah, le libéralisme éclairé de ce forum ! La petite musique de ceux qui savent, de ceux qui sont modernes ... Et hop, un peu d'ironie facile sur ces français archaïques qui veulent que les chinois et les indiens restent dans la misère !
Le problème, ce n'est pas tant la croissance de ces pays que le libre-échange sans régle. Je le répète une fois de plus. Maurice Allais lui-même, que l'on ne peut soupçonner de la crasse ignorance de ces français râleurs et égoïstes (il est prix nobel d'économie), dans un article du Monde, désigne le libre-échange comme une raison du chômage de masse en Europe. Et montre bien la (fausse ?) naïveté des ouistes qui promettent monts et merveilles du TCE qu'on nous propose aujourd'hui.
Les chinois et les indiens pourraient produire des biens qui ont des débouchés chez eux.
Enfin, ce libre échange effréné provoque une consommation massive de carburant ce qui nous précipite de façon accélérée vers l'épuisement des ressources de la terre . Mais, il ne faut pas le dire : la sacro sainte croissance doit être de 5% par an pendant un temps infini
Rédigé par : emmanuel | lundi 16 mai 2005 à 10:00
Emmanuel,
Justement, on peut soupçonner Allais de tout un tas de choses, cet économiste étant l'un des plus réactionnaires qui soit, généralement plus proche de l'extrême-droite que de Bernard Maris. Mais tu fais bien de noter qu'en l'espèce, il est sur la même longueur d'ondes qu'une certaine gauche protectionniste et nationaliste.
Je retiens aussi ton idée de Chinois et d'Indiens qui feraient mieux de produire pour leurs propres marchés au lieu d'exporter vers l'Europe. Mais s'ils étaient en mesure de se développer sans faire appel à la demande extérieure et, surtout, sans le pouvoir d'achat des Occidentaux, ils ne seraient effectivement pas des pays en développement mais des pays développés. Le problème d'une asymétrie de niveaux entre partenaires commerciaux ne se poserait donc pas.
C'est en commerçant avec nous qu'ils décollent. S'ils ne peuvent pas le faire, ils restent pauvres. Et s'il n'est plus question d'exporter, que deviennent les 40% de Français qui travaillent pour l'exportation ?
Rédigé par : Hugues | lundi 16 mai 2005 à 11:25
@emmanuel
Allais est effectivement un garçon charmant, heureusement la plupart de ses pensée récentes sont disponibles sur le net, sur son site.
"L'immigration étrangère extra-communautaire est un facteur aggravant car elle contribue à faire supporter de nouvelles charges à la collectivité française. Lorsque des travailleurs immigrés supplémentaires arrivent, il faut réaliser pour eux des infrastructures sous forme de logements, hôpitaux, écoles, etc.. qui correspondent à 4 fois le salaire annuel de ces travailleurs. Si un travailleur arrive avec une femme et trois enfants, la dépense faite par la collectivité représente dix à vingt fois le salaire annuel de ce travailleur."
Franchement se faire traiter de "libéral" (terme à haut risque quant à sa définition certes, mais quand même) parce qu'on cherche à aider les PVD et PMA non seulement par des aides mais en développant un commerce le plus juste possible avec eux .... Je me demande où je vis moi.
De plus, le libre-échange n'est pas sans règle, voir l'OMC et les demandes récurrentes des PVD et PMA...
Rédigé par : Eviv Bulgroz | lundi 16 mai 2005 à 13:08
Crotte le site d'Allais
http://allais.maurice.free.fr/Euro2.htm
Rédigé par : Eviv Bulgroz | lundi 16 mai 2005 à 13:10
L'Europe et la France peuvent sans doute accompagner le développement de la Chine, de l'Inde et peut-être, demain, de l'Afrique sans pour autant rogner sur tous les acquis sociaux, privatiser tous les services publics et faire payer l'éventuel dumping social ou fiscal des pays en développement aux chômeurs, aux exclus et aux salariés les plus pauvres... Là est la vraie question !
Ce serait une escroquerie (libérale ?) de plus que de prétendre que le développement de ces pays ou de ces continents ne pourra se faire qu'en sacrifiant les droits sociaux et le niveau de vie des citoyens européens ou français. C'est une question de choix politique (si ce mot a encore un sens et n'a pas été entièrement dévoré par le marché tout-puissant).
Juste un chiffre en passant : la réduction de l'impôt sur les bénéfices des sociétés représente en France pour la seule année 2005, un manque à gagner de 17 milliards d'euros, soit l'équivalent du déficit de la Sécurité sociale plus deux fois le budget du CNRS... Il faut simplement savoir ce qu'on veut : la santé pour tous et le développement de la recherche publique ou plus de bénéfices pour les entreprises, éventuellement au nom de l'emploi futur (ça fait mieux).
(Pour en savoir plus : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-649409,0.html)
Certains veulent sans doute participer au développement de l'Inde, de la Chine et de l'Afrique pour gagner encore et toujours plus d'argent, sans se soucier de ceux qui paieront les pots cassés des délocalisations. D'autres, simples citoyens, souhaitent sincèrement le développement de ces pays sans pour autant voir leurs droits et leurs revenus fondre en même temps. Ce serait donc eux les hypocrites ? Ceux qui devraient culpabiliser ? Soyons sérieux, Hugues...
Rédigé par : Professeur Tournesol | lundi 16 mai 2005 à 19:50
Professeur Tournesol,
Vous mettez justement le doigt, estimé professeur, sur l’une des principales escroqueries intellectuelles du moment, escroquerie selon laquelle la mutation et l’adaptation d’un pays comme la France à ce qui se passe dans le reste du monde sont forcément porteuses de régression sociale.
Pourtant, le développement du textile chinois n’a absolument rien à voir avec le déficit de la sécu, la défense des services publics ou la préservation des acquis sociaux dans l’Hexagone. Pourtant, l’élévation du niveau de vie des Coréens du sud ou des Taïwanais, voire des Irlandais et des Espagnols, n’est pas responsable de la montée du chômage en France, même si ces deux phénomènes sont historiquement parallèles. Pourtant, encore, les immigrés ne sont pas les ennemis des travailleurs français, bien qu’une arithmétique délirante nous ait longtemps asséné qu’il s’agissait d’une bête question de vases communicants (et bien qu’une large fraction de nos concitoyens en soit définitivement convaincue).
La totalité des problèmes français, c’est une chose que je ressasse inlassablement sur ces pages, trouve son origine ici même, chez nous – et les solutions sont également locales, pas même européennes. Mais en construisant et en installant dans la durée cet amalgame absurde et, finalement, dégueulasse, entre nos difficultés auto générées et tout et n’importe quoi (le traité constitutionnel, les Etats-Unis, le commerce mondial, la main d'oeuvre bon marché dans les pays du tiers-monde, le « libéralisme »), certains de nos courants politiques ont bloqué toute réflexion.
Un exemple fréquemment évoqué ici, c’est la réussite du modèle scandinave (qui n’est d’ailleurs ni la panacée ni monolithique, puisque de très grandes différences existent entre la Norvège et la Suède, par exemple). Ces quelques pays parviennent précisément à concilier un niveau de développement social supérieur au nôtre dans le cadre d’une ouverture au monde également supérieure. Cette approche ne vaut-elle pas que l’on s’intéresse à elle ?
D’autres pays, comme le Canada, les Pays-Bas ou, aïe, je l’ose, la Grande-Bretagne et l’Australie, ont également innové pour le mieux. Ne pouvons nous pas regarder comment ils ont fait sans immédiatement chausser les lunettes du dogme ?
Votre baratin, excusez-moi professeur, mais c’est le mot qui convient, sur ces comparaisons entre les réductions d’impôt et le budget de la recherche (qui me rappelle les histoires de porte-avions et de lycées du PC de naguère), tend pourtant à indiquer qu’en fait, aucun changement n’est réellement nécessaire, aucune adaptation à de nouvelles circonstances n’est indispensable. Vous cherchez à démontrer que, si les choses étaient « mieux » gérées par une gauche « authentique » (en gros, plus d’impôts et plus de dépenses publiques) tout serait résolu.
Il suffirait donc de taxer davantage les entreprises et les salariés pour régler la question des déséquilibres démographiques et de la dépendance du quatrième âge ; le chômage serait résolu par de nouvelles réductions du temps de travail ; des retraites plus précoces permettraient de libérer des places pour les jeunes… La gauche radicale détiendrait donc toutes les solutions et elle serait simplement empêchée de les mettre en œuvre par une gauche réformiste stupide alliée à une droite libérale et réactionnaire.
Avouez tout de même qu’il est toujours plus facile de séduire avec des solutions simples, a fortiori lorsqu’elles définissent les choses en termes binaires de « gentils » et de « méchants » et lorsqu’elles permettent de dégager des responsabilités bien identifiées sur tous les problèmes.
En cela, tous les populismes se ressemblent, indépendamment de leur logique initiale (générosité à gauche, exclusion à droite). Les immigrés de Le Pen, qui mangent le pain des Français, valent bien les plombiers polonais qui leur prennent leur travail selon Emmanuelli. Des plombiers polonais qui s’inquiètent d’ailleurs de leurs homologues ukrainiens, moins chers encore…
Le monde est complexe et la société humaine est un mécanisme sophistiqué. Besancenot, Villiers, tous ces types nous disent cependant que non (sic), en fait, tout est simple. Il suffirait de désigner les coupables et de leur couper la tête pour rendre au « peuple », ces braves gens, ce sel de la terre, leur dignité disparue. Mais le peuple qui vote pour Le Pen en connaissance de cause, ce qui est sans doute le cas d’une majorité de ses électeurs, je l’emmerde. Le peuple qui vote Besancenot en exigeant sincèrement la collectivisation des moyens de productions et le remplacement du parlement par les soviets, je l’emmerde aussi. Le peuple qui vote pour le PC en expliquant qu’aucune expérience communiste dans le monde ne doit être analysée comme une démonstration de la faillite du projet marxiste au motif que ces pays n’étaient pas prêts, ou que de méchants leaders ont dévoyé une cause ontologiquement juste, je les emmerde. Cuba, la Corée du nord, l’URSS, la Chine, l’Albanie, la Roumanie, la RDA, autant de pays, autant de versions locales du communisme, autant de faillites retentissantes pour la culture, la liberté, la prospérité…
Je ne suis pas un admirateur du marché pour le marché. Je suis un social démocrate qui croit qu’une économie de marché convenablement régulée, au sein de laquelle les arbitrages essentiels et ultimes sont rendus par des instances politiques démocratiques, est le système le plus abouti imaginé, à ce stade de l’Histoire, par l’Homme. Je crois aussi que le commerce est l’un des principaux moteurs du développement économique sans lequel tout le reste ne fonctionne pas.
Alors, effectivement, soyons sérieux, professeur Tournesol.
Rédigé par : Hugues | mardi 17 mai 2005 à 10:57
Cher Hugues,
Rassurez-vous, nous partageons la même conscience de la complexité des problèmes qui se posent au monde, à l'Europe, à la France. Et nous partageons le même souhait de voir émerger dans l'Hexagone une gauche réformiste, social-démocrate, de gouvernement...
Mais pour ma part, je la souhaite également "radicale" au sens que DSK donne à son projet de "réformisme radical".
J'imagine volontiers cette gauche se rappelant des années Jospin et lorgnant à l'occasion du côté des pays scandinaves...
Mais je ne l'imagine pas calquant son programme économique sur celui de Sarkozy ou militant avec le Medef pour détricoter le Code du travail ou encore se battant aux côtés de Tony Blair et de la Commission européenne (et contre la majorité du Parlement européen) contre la suppression de l'option permettant de dépasser 48 heures de travail hebdomadaire... Vous non plus, j'espère.
Je précise que je ne suis ni communiste, ni emmanuelliste, ni fabiusien, ni militant d'Attac ou de la LCR, autant de positionnements méritant apparemment à vos yeux l'excommunication immédiate (mais pourquoi tant de haine ? Ne vous trompez-vous pas d'adversaire, sachant que le candidat de gauche en 2007 devra d'abord rassembler à gauche ou ne sera pas élu ?).
Mais je crois encore à l'impôt, aux services publics, au rôle de l'Etat, à la sécurité Sociale, à l'Education nationale, à la recherche publique, à la retraite par répartition, à la redistribution et même à la sécurisation des parcours professionnels... Que c'est démodé, tout ça, n'est-ce pas ?
Peut-être effectivement ne suis-je qu'un "archéo" naïf qui croit encore que les peuples de la planète pourront résister, simplement parce qu'ils le décideront, au tsunami ultra-libéral qui balaye la terre et à l'idéologie dominante du "tout-marché" qui, sous couvert de modernité, de pragmatisme et de bon sens, se répand à grande vitesse dans les esprits sous la forme d'un "prêt-à-penser" refusant toute alternative, toute entorse au dogme et tout esprit critique...
Et je continue à penser, ne vous en déplaise, que lorque l'on décide d'alléger l'impôt sur les bénéfices des entreprises et que le manque à gagner correspondant (17 milliards d'euros) représente le trou de la sécu + 2 fois le budget du CNRS, on peut effectivement parler de choix politique. Cela ne me semble pas être du "baratin" comme vous dites, mais un fait qu'il convient de méditer...
J'ajoute, pour être complet, que je pense encore malgré tout voter "oui" à ce texte qui se fait appeler à tort "constitution" (même si parfois le "non" me démange, notamment quand je lis des points de vue comme celui-ci : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-649409,0.html )...
Je vous salue bien, vous félicite pour la forme de vos posts et vous encourage, sur le fond, à vous garder des travers que vous reprochez aux autres : la facilité, le simplisme, les raisonnements binaires et l'unilatéralisme (quoiqu'il arrive, il s'agit de taper toujours et encore sur la gauche de la gauche, qui serait la cause de tous les maux...).
Amitiés
Professeur Tournesol
Rédigé par : Professeur Tournesol | mardi 17 mai 2005 à 17:22
Merci Professeur pour ce lien vers un article très intéressant!
Je suis en train de (re)basculer vers le non, je me sens partir.... Arrrghhh!!!
Mathieu
Rédigé par : Mathieu | mercredi 18 mai 2005 à 10:28
Hughes,
Entièrement d'accord avec toi. Les régimes communistes d'inspiration marxiste ne constituent pas été une réussite. Et pourquoi ? Parce que, dans ces régimes, la société/le système est tout, l'individu n'est rien. Et justement, le dogme libéral reprend cela : les règles économiques (comme le libre-échange intégral) ne doivent pas être choisies démocratiquement par les individus mais imposées par une élite qui décrète que la maximisation du PIB de la terre (une grandeur abstraite qui évacue l'homme) va forcément aboutir au paradis
Rédigé par : emmanuel | mercredi 18 mai 2005 à 11:43
François et la passante-qui-s'incruste ont répondu avec précision à votre billet, les autres s'engageant un peu vite-et souvent avec talent-sur l'éternet débat franco-franchouillard, mais tous ont visiblement le souci de voir la situation économique s'améliorer en France.
A Porto Alegre, comme à Davos, un économiste (prof à Princeton, mais Indien d'Inde, connaissant la réalité de ces pays-là) a fait plusieurs démonstrations d'une pensée économique assez révolutionnaire, si l'on veut bien se débarrasser de l'esprit de Saint-Vincent de Paul ou autres mentalités de dons de bienfaisance.
Dans son livre " 4 milliards de nouveaux consommateurs(vaincre la misère en créant du profit)", C.K.Prahalad décline comment, en transformant les pauvres en consommateurs, on les sort de la misère, on les sort des budgets improductifs de l'assistance, on leur fait créer un système bancaire fructueux.
ça a l'air trop simple?
ça ne demande qu'un peu d'adaptation de la part des industriels et des banquiers (ah, les banquiers!) occidentaux.
Par exemple, changer le packaging et proposer des dosettes à la vente:c'est vrai, les pauvres ne vont pas acheter du shampoing (sisi même les pauvres ont des cheveux, qu'ils laventen plus!)en flacons pour trois mois, vu qu'ils ne peuvent quotidiennement dépenser que ce qu'ils gagnent quotidiennement: alors du shampoing en dose quotidienne fera l'affaire.
En changeant les systèmes de distribution (genre franchises concurentielles de quartier), Prahalad nous redonne une fantastique démo de création de capillarité économique vertueuse).
Certaines entreprises US et UK s'y sont mises, et ça marche: il n'y a pas que l'Airbus dans la vie!
Rédigé par : leblase | jeudi 19 mai 2005 à 15:32
Article un peu provocateur, mais sans doute pas loin de la réalité.
Rédigé par : Tom | mardi 24 mai 2005 à 10:27
Merci Hugues pour ce post qui m'a bien fait rire même si on rit jaune quand même tellement c'est vrai !
Cependant le tout libre-échange n'est pas forcément la solution et les pays d'Afrique doivent justement le savoir... il faut aussi prendre plein de facteurs en compte comme les rapports de force, la mise en concurrence des pays sur des produits à faible valeur ajoutée etc.
Rédigé par : Scalp' | mardi 24 mai 2005 à 11:45
De retour de déplacement au sud de la frontière digitale, ma lassitude ne me permet de lire que ce dernier papier que je ne peux qu'approuver des deux pieds et des deux mains, à un petit détail près.
Tu n'aurais pas dù, Hughes, mentionner le Botswana, objet des admirations d'Acemoglu qui détaillait assez bien quelques conjectures éclairées et singulières. Vois=tu, le problème, c'est que les Botswanais ne sont pas aussi sages en matière de sexe qu'en matière de gestion et d'institutions. 50% à peu près ont contracté le HIV. Le Botswana risque en réalité de cesser tout simplement d'exister d'ici dix à vingt ans.
Rédigé par : bernard1 | mardi 24 mai 2005 à 15:39
Ce n'était qu'un exemple. Mais s'il est vrai que le SIDA est un problème majeur au Botswana, ce pays est tout de même en vrai décollage économique et sait gérer ses ressources naturelles avec sagesse (même si, comme le raconte Joseph Stiglitz, ma source sur ce thème, leur gouvernement s'était fait couillonner par la De Beers pour l'exploitation du diamant).
Rédigé par : Hugues | mardi 24 mai 2005 à 16:02
(bizarre, mon trackback n'a pas été accepté...)
clap clap clap !
Rédigé par : tao | mercredi 22 mars 2006 à 22:16
Bonjour;
J'ai découvert ce blog en lisant votre article dans Le Monde. Lucide et courageux.
Rédigé par : Jamal Amiar | lundi 27 mars 2006 à 13:55
Avec les compliments de Gaston Kelman ce matin sur France Culture.
Rédigé par : aymeric | mercredi 10 mai 2006 à 11:36
Aymeric,
Merci pour le tuyau. Je n'avais pas écouté FC ce matin mais j'ai entendu le podcast. Hé hé, il est très bien ce Kelman...
Rédigé par : Hugues | mercredi 10 mai 2006 à 18:03
Pour en savoir plus sur les effets pervers de la mondialisation en afrique
Rédigé par : mondialisation en Afrique | samedi 26 août 2006 à 12:27
Moi personnellement je pense que tout ce que j'ai lu est très édifiant concernant l'Afrique...
Rédigé par : valerie flore mateu | jeudi 15 janvier 2009 à 17:14