Paris n’est plus seul à brûler. Berlin et Bruxelles sont entrés dans la danse. Reste à savoir s’il s’agit des prémices du Grand Soir européen promis par Fabius – ou d’un simple, hum, feu de paille...
Mes critiques trop systématiques du « modèle français » sont-elles encore pertinentes ? Et l’idée que nous restions à l’avant-garde des grands mouvements sociaux ne serait-elle pas en voie d’être réhabilitée ? Quelques véhicules viennent en effet de flamber à Berlin et à Bruxelles, la contestation « à la française » finissant par s’imposer au reste de l’Europe... Oh bien sûr, nos voisins ont encore de sérieux progrès à faire pour espérer se mesurer à nous. Clairement, ce ne sont pas cinq voitures ici, cinq voitures là, qui donneront à nos banlieues à l’esprit si compétitif le sentiment d’avoir été dépassées. Et d’ailleurs, souvenons-nous que, depuis le mois de janvier, c’est près de 30 000 véhicules qui ont été incendiés en France, soit l’équivalent de l’ensemble des immatriculations d’une région comme la Corse sur un an.
Ceci posé, la mise à feu de voitures est en passe d’être ringardisée par la vogue des incendies d’écoles maternelles, d’hôpitaux ou d’entrepôts. Nos amis belges et allemands n'ont donc qu'à bien se tenir... Bon, j’ai l’air de me marrer, comme ça, mais le climat commence à devenir assez anxiogène. Et ce ne sont pas les reportages radio évoquant la formation de milices d’auto-défense, les appels à l’intervention de l'armée par des élus socialistes, voire les récits de mères de familles poussant, chaque soir, un buffet devant la porte d’entrée avant l’arrivée des bandes, qui donnent envie de rigoler.
Dans la grande tradition française du conflit social, le gouvernement laisse pourrir la situation avant de donner satisfaction aux fauteurs de trouble. Les agriculteurs, les marins de la SNCM et les routiers en savent quelque chose. Dans le cas des gangs qui, depuis près de deux semaines, terrorisent les centaines de milliers d’habitants du 9-3, il est malheureusement difficile d’imaginer qu’une négociation s’instaure entre Matignon et une improbable coordination de casseurs. L’impasse est donc totale. Il est toujours possible, comme le demande Marie-Georges Buffet au grand dam des élus communistes de Seine-Saint-Denis, d’éjecter Sarkozy, mais il n’est pas évident que cette preuve de bonne volonté suffise à calmer l’ire de nos jeunes amis.
En tout état de cause, la sortie de crise est de plus en plus difficile à percevoir et les cassandres d’extrême-droite se frottent bruyamment les mains, engrangeant les bulletins prospectifs au rythme des flashes d’information. Une tendance qui risque d’ailleurs de ne pas s’infléchir si le discours selon lequel les casseurs restent des victimes, des victimes au comportement inacceptable, certes, mais des victimes quand même, perdure. Un éventuel élargissement à d’autres pays européens de la situation ne manquerait probablement pas d’alimenter ce point de vue – les mêmes causes produisant les même effets.
Pour ma part, indécrottable OVNI politique, je vaticine dans la même veine, défendant l’idée que tous les flics, toutes les armées, tous les éducateurs, tous les moniteurs de boxe thaï, tous les médiateurs, tous les adjoints de sécurité, toutes les assistantes sociales, tous les profs de basket du monde, bref l’ensemble de la communauté du grotesque binôme « répression-prévention », resteront impuissants à faire autre chose que du colmatage entre deux crises.
En 1992, Bill Clinton l’avait emporté sur Bush le Vieux en surfant sur le slogan « It's the economy, stupid! ». L’idée était qu’une croissance solide, la création massive d’emplois durables et le retour de vraies perspectives étaient les leviers sur lesquels il fallait à tout prix s'appuyer pour réussir. Il est bien évident, Jospin l’avait d’ailleurs admis en évoquant sa propre « naïveté » en matière de délinquance, que l'élimination du chômage n’empêchera pas les plus endurcis de nos « jeunes » de préférer le deal à toute autre forme d’activité commerciale. Mais pour l’immense majorité des rebelles qui pourrissent la vie des cités, la possibilité de trouver un emploi et d’emprunter le fameux ascenseur social devrait suffire à remettre les pendules à l’heure.
Les baratins martiaux d’un Jacques Myard (l’armée, les expulsions, les camps de travail...) ou larmoyants d’une Marie-Georges Buffet (« Les zomzéléfams qui brûlent des voitures par désespoir »), ramènent pourtant au plus grand pessimisme. Dans un pays où l’on considère que le chômage est une constante de l’organisation sociale, les pays affirmant s’être débarrassé de cette gangrène n’étant que des tripatouilleurs statistiques, l’idée que la création de richesse soit une solution aura bien du mal à faire son chemin.
Bah, au diable cette morosité ridicule. Apprécions au contraire avec fierté le fait que, loin d’être condamné, le modèle français s’exporte encore avec panache, en Allemagne comme en Belgique. Et si nous ne brûlions, jusqu’à présent, des voitures qu'entre nous, la compétition se limitant aux banlieues françaises sur le modèle d’Intervilles, l'arrivée de Berlin et de Bruxelles nous permettra de ressusciter les bons vieux Jeux sans Frontières. On va bien se marrer.
© Commentaires & vaticinations
les marins de la SNCM n'ont pas obtenu satisfaction de leurs revendications ni la RTM
Rédigé par : all | lundi 07 novembre 2005 à 17:34
Faut que je surveille mon scooter moi...
Rédigé par : Vinvin | lundi 07 novembre 2005 à 17:39
Les marins de la SNCM ont obtenu que l'Etat reste à 25% dans le capital de l'entreprise, en plus des 9% qui leur sont dévolus.
Je n'ai pas mentionné la RTM, dont les salariés demandent la suppression d'une procédure d'appel d'offre et dont le mouvement n'est pas terminé.
Rédigé par : Hugues | lundi 07 novembre 2005 à 17:40
Je ne vois pas très bien comment le gouvernement pourrait céder aux fauteurs de troubles (céder quoi? quels sont leurs revendications? quels sont leurs négociateurs?) à moins qu'il ne vire Sarkozy? (cela ferait trop plaisir à Chirac!)
En ce qui concerne l'économie la croissance et la création d'emplois, cela me semble une condition nécessaire (et sans doute la plus importante) mais pas suffisante pour traiter ce mal des banlieues: en 22 ans de chômage au dessus de 2 millions, des pratiques et des désespérances se sont installées qu'on n'éradiquera pas facilement.
Et la question des jeunes sans qualification restera posée
Ainsi que celle de l'éducation de jeunes à qui leurs parents n'apprennent pas à respecter des régles
Rédigé par : Verel | mardi 08 novembre 2005 à 02:56
Je serais presque d'accord avec toi Verel (et avec Hugues, je viens d'utiliser la formule clintonesque au près d'un ami anglo qui s'inquiétait).
Mais la question de la qualification est en partie secondaire. Comment ? Ben oui. Il y a un tas de boulot qui réclament peu de qualification. Si la machine économique française fonctionnait mieux, les gens peu qualifiés également trouveraient un boulot sans trop de soucis justement.
En d'autres mots le pb du chômage n'est pas un pb de qualification. D'ailleurs nombre de qualifiés n'en trouvent pas. Etre qualifié c'est bien individuellement (en général meilleur salaire, gratification sociale) et collectivement (un pays plus riche parce qu'il produit plus de valeur ajouté). Mais "qualifier" tout le monde, ça ne baisse pas le chômage comme ça par magie. Il faut que l'économie fonctionne, que l'offre et la demande sur le marché de l'emploi trouve un terrain d'entente.
Rédigé par : Eviv Bulgroz | mardi 08 novembre 2005 à 14:03
Cher Eviv, je suis tout à fait d'accord. Et comme le rappelait encore Olivier Pastré ce matin sur France Culture, si la France avait la même structure d'emploi que les Etats-Unis, nous aurions à peu près 2 millions d'emplois en plus et il n'y aurait quasiment pas de chômage. Mais les emplois créés le seraient essentiellement dans les services, souvent à des niveaux de qualification peu élevés, ce qui clashe avec l'idée qu'un "vrai emploi" soit nécessairement industriel (au sein d'un grand groupe idéalement partiellement ou totalement détenu par l'Etat) ou dans le périmètre de la fonction publique.
Et chacun sait qu'il est préférable, en termes de dignité humaine, d'être au chômage plutôt que d'exercer un p'tit boulot...
Rédigé par : Hugues | mardi 08 novembre 2005 à 14:13
Il y a aussi la volonté d'un emploi stable. Je peux comprendre, mais...
Un droit du travailleur c'est de pouvoir quitter son job là maintenant, tout de suite parce qu'il n'en est pas satisfait, pour aller voir ailleurs, parce qu'il est instable de nature (je pense à un pote :-) ). Et bien non a un boulot, on est protégé, on ne veut surtout plus jamais bouger, on sait qu'on a eu de la chance et que re-rentrer dans le système est très complexe. Qu'il n'y a même pas de petits jobs (ou si peu) pour vivre correctement au cas où.
Je trouve ça particulièrement aliénant.
Rédigé par : Eviv Bulgroz | mardi 08 novembre 2005 à 14:26
Congratulations!
http://www.timesonline.co.uk/article/0,,22369-1861902,00.html
David Aaronovitch est un excellent commentateur social-démocrate, transfuge du Guardian.
Rédigé par : François Brutsch | mardi 08 novembre 2005 à 14:49
Tout de même, il aurait mieux fait de rester au Guardian. Mais son analyse est assez bonne.
Ceci dit, il rappelle avec pas mal d'à propos que la Grande-Bretagne est passée par là et qu'elle a fini par en sortir (Brixton, tout ça). Ouf, ça rassure : plus que vingt ans !
Rédigé par : Hugues | mardi 08 novembre 2005 à 15:06
Plus que partiellement en accord avec la plupart des commentaires ... J'espère que les crétins qui pensent que "l'Europe est un volcan et quand la lave sort, elle choisit Paris" ne seront pas assez aveugles pour ne pas voir que nous venons d'assister à un évènement qui boulverse totalement notre pays, et nous ne reviendrons plus en arrière (et là, je suis presque tenté de dire heureusement, si nous n'avions pas du en arriver là).
Comme Hugues cite mon "ami" Myard, je trouve amusant que ce type qui est élu d'une circonscription dont la moitié (assez aisée : Maisons-Laffitte, Mesnil le Roi, Montesson, Vésinet) voudrait voir disparaître l'autre (Sartrouville et sa cité, calme depuis 15 ans (hormis deux ou trois évènements), essaie de se prévaloir de son titre de Maire de "banlieue", quand on connait la sociologie de sa commune (Maisons-Laffitte).
Je pense que nous devons éviter le masoschisme sur le fait que tout aurait échoué. C'est faux, car depuis des années, il a été tenté à peu près systématiquement les mêmes choses (sauf que Besson a remplacé Périssol, mais a cédé la place à Robien puis Borloo, amortissements sans objectifs de vie, mais très rentables, avouons-le).
Nous pouvons admettre que la suppression de la police de proximité a joué un rôle. Est-ce que le problème aurait disparu ?? Peut être serait il moins visible, et il permettrait de se cacher la vue. Je pense que l'on ne peut cependant pas dire que la gestion communautaire serait plus efficace, que le modèle carcéral Américain serait préférable (parce qu'une question se pose déjà malheureusement : ou va-t'on mettre tous les interpelés et les condamnés de ces derniers jours, les prisons sont déjà pleines ?).
Evitons aussi les grand mots du genre "refonder la Politique de la Ville. En ce sens Villepin vend du vent avec ses annonces d'hier, mais que peut il faire d'autre ? Il n'y a plus une tune dans les caisse, et la France, embourbée dans sa défense stupide de la PAC ne peut pas réagir intelligemment au niveau européen. La décentralisation fourre tout de 2003 ne donne pas de bons outils pour répondre à la question du logement.
Je pense qu'il faut cerner les différents problèmes, partir du plus urgent pour ensuite s'occuper du moyen et long terme.
Le premier enjeu immédiat est le maintien de l'ordre. L'effet de reprendre une loi concernant la guerre d'Algérie est catastrophique. Mais le gouvernement a-t'il les moyens d'attendre 3 jours qu'une nouvelle loi baclée à la va vite lui donne des moyens de réagir. Le couvre feu n'est certes pas ma tasse de thé, mais il peut permettre un semblant de calme et limiter les provocations et agitations nocturnes.
Les problèmes qui se poseront ensuite sont de loin plus complexes. Problèmes du logement, de l'emploi, des discriminations (lequel risque de ne pas s'atténuer avec les évènements de ces derniers jours), pour n'avoir été traité qu'au rabais ces dernières années, ne sont pas près de s'éteindre.
La proposition de DSK ( http://www.socialisme-et-democratie.net/article.php3?id_article=131 ) est sans doute intéressante, mais avons nous le temps d'attendre ?? La France a-t'elle les moyens de sortir d'une politique de la couche de peinture supplémentaire ?? Désolé de ne pouvoir proposer de réponse géniale au problème (mais si cette solution existait déjà, j'ose espérer qu'elle aurait déjà été tentée). Je reste cependant convaincu que si l'économie n'est pas la panacée, un climat économique différent, l'existence de perspective auraient fait que le sentiment d'exclusion, de rejet, n'aurait pas conduit à une telle explosion, qui se serait cantonnée à Clichy pendant deux ou trois jours (, OK, c'est un peu de la politique fiction. Attention, je ne dis pas que cela aurait été légitime, mais que cela aurait été compréhensible au sens d'explicable ... et limité).
Rédigé par : Simon | mardi 08 novembre 2005 à 16:49
Si j'ai bien compris, c'est parce que toutes les voitures Corses auraient brûlé l'année dernière que les gars de la SNCM ont fait grève?
Qu'aurait fait Bill Clinton dans ce cas-là, à part investir un peu plus dans l'armement, un peu moins dans le médical?
(je résume un peu les propositions)
Hmm, dommage que le monde ne soit pas prêt à accorder à la France le statut qu'elle accorde aux USA, de devenir le plus gros consommateur (et débiteur) mondial.
Pourtant, je note que malgré les tares bien connues du système éducatif américain, les fils issus d'immigrés font toutes sortes de boulots, aussi bien légaux qu'illégaux, car le jeu est clair là-bàs: pas de boulot pas d'argent pas de sécu (déjà que, même avec un boulot, la Sécu..)
Les mêmes causes ne produiraient donc pas les mêmes effets..
Et si plus qu'un modèle social, c'était une mentalité qui allume les mêches?
Et si on se souvenait qu'on annonce ça depuis des années?
Rédigé par : leblase | mardi 08 novembre 2005 à 17:51
"préférer le deal à toute autre forme d’activité commerciale" : la partie cannabis du "deal" n'est pas une forme d'activité commerciale légale et génératrice d'emploi et d'innovation (et utilisateur de compétences) uniquement à cause d'une politique sous-optimale (pour ne pas dire autrement). Les effets positifs à tous les étages dans ce type de situation sont évidents.
Je n'ai pas suivi les médias traditionnels, donc je ne sais pas si quelqu'un va se décider à en parler, ou si ça va continuer à mégoter sur la quantité d'argent public à donner aux betonneurs et aux propriétaires fonciers aisés.
Laurent
Rédigé par : guerby | mardi 08 novembre 2005 à 22:37
A eviv bulgroz
Sur la question des sans qualification professionnelle, voir :
http://generationseurope.over-blog.com/article-906219.html
Rédigé par : verel | jeudi 10 novembre 2005 à 07:52
Ce n'est pas seulement une question de chômage ; c'est aussi une question de discrimination. Le libre de Stéphane beaud et Michel Pialoux _Violences urbaines, violences sociales_, s'il relève à mon sens plus du journalisdme que fde la sociologie, monter bien comment même en période d'embellie économique, les habitants des ghettos sont tenus aux marges de la reprise : derniers embauchés, premiers virés, ils ne sortent pas de la précarité.
Cela dit il est bien évident que plus il y a de chômage, plus il y a de pauvreté et de discriminations.
Rédigé par : Cobab | samedi 12 novembre 2005 à 13:58
Mais pour être embauché, est-ce qu'il ne faut pas savoir lire et parler français (je ne parle pas de l'écrire), (les d'jeuns que je croise dans le bus de ma banlieue calme, je ne les comprends pas: accent, débit ultra-rapide et saccadé), savoir vouvoyer, donner vaguement l'impression qu'on peut vous faire confiance, que vous serez là à l'heure tous les matins?
N'est-ce pas la discipline, l'auto-discipline, qu'il faudrait commencer par enseigner, et donc l'école qu'il faut réformer? (Gueule des profs! (cela serait une soution à long terme, trop tard pour ceux qui ont quinze ans: qu'est-ce qu'on va en faire?))
Rédigé par : Alice | dimanche 13 novembre 2005 à 08:16
A Alice
Les professeurs sont confrontés à chaque cours à des jeunes habitués à ne suivre aucune régle. Bien sûr ils essaient de changer cela!
C'est sans doute l'apprentissage de la démocratie qu'il faudrait faire acquérir, par le système des conseils comme il en existe dans les pédagogies institutionnelles (Freinet etc...). P Mérieux avait voulu introduire cela: on sait ce qu'il en est advenu. Il est vrai que vouloir introduire des pratiques qui n'ont qu'un siécle de recul, ce n'est pas très raisonnable!
Rédigé par : Verel | dimanche 13 novembre 2005 à 09:25
Mérieux a aidé à détruire l'école.
Je rectifie: pas les professeurs, les instituteurs. Pas à 12 ans, à 6 ans.
Quant aux professeurs qui essaient de changer cela... Ma mère professeur part à la retraite cette année, elle est tellement écoeurée par la tournure que prend l'enseignement depuis vingt ans qu'elle ne veut pas de pot d'adieu, elle a trop peur de dire tout ce qu'elle a sur le coeur (cette année, parce qu'elle n'a plus rien à perdre, elle a interdit la calculatrice en classe. Et hop, panique à bord. Elle s'amuse bien (il faut dire qu'elle est un pur produit de l'école républicaine, elle sait ce qu'elle doit à l'école "à l'ancienne"))
Il est invraisemblable que dans une classe de CM1, on mette en place un "conseil" pour se demander collégialement comment résoudre les problèmes causés par quatre gosses haut comme trois pommes! On apprend pas la démocratie à ceux qui ne la respecte pas. On fait respecter d'abord, ensuite on peut envisager de faire participer. L'inverse, très logiquement, ne peut pas fonctionner (la preuve!!).
Rédigé par : Alice | dimanche 13 novembre 2005 à 12:06
Attention Alice, on ne va pas tarder à vous traiter de vieille réac. Surtout si vous touchez à l'icône du pédagogisme moderne... :-)))
Rédigé par : Krysztoff | dimanche 13 novembre 2005 à 12:30
Je voudrais bien savoir comment on fait respecter la démocratie sans l'apprendre ?
Soyons clair: oui, il s'agit bien d'apprendre d'abord à des jeunes à respecter des régles. Pas à 6 ans mais dès 2 ans!
Ensuite, oui la fonctionnement des conseils est bien un moyen d'apprendre à vivre ensemble en se respectant
il ne s'agit pas ici de théorie mais de pratique!
J'ai rencontré il y a quinze jours deux jeunes femmes qui ont vécu leur scolarité dans un collége appliquant les principes de Mérieux (l'une d'entre elles les ayant vécu également une partie de son cursus de primaire.
Et je m'émerveillais de leur sens des responsabilités, de leur capacité de se prendre en charge.
Ces deux jeunes femmes n'avaient pas plus de capacités intellectuelles que la moyenne mais avaient su poursuivre leurs études avec méthode et persévérance
La première, à peine sorie de sa formation de styliste d'intérieur a su trouver un travail dans sa spécialité quand ses camarades de promo continuent à "ramer"
La deuxième qui est depuis peu professeur en banlieue et qui s'en sort ma foi fort bien, se rappellait comment dans son lycée de terminale, l'un de ses professeurs avait expliqué pourquoi il faisait gréve contre la réforme Mérieux. Et elle qui ne savait pas de qui il s'agissait, s'étonnait qu'on puisse craindre un système qu'elle même avait connu sans problème au collège.
Un collège où curieusement les éléves avaient plaisir à aller, appréciaient leurs professeurs et avaient de bons résultats!
Mais bon, je comprends que ceux qui n'ont pas essayé vraiment de s'y intéresser puissent garder leurs préjugés!
Rédigé par : verel | dimanche 13 novembre 2005 à 19:21
Oui, enfin, les règles de l'école maternelle, c'est justement celles qu'il faudrait abandonner en primaire...
Quant à vos deux jeunes femmes, dites-moi quel était leur contexte familial: famille émigrée, désunie, ne parlant pas français à la maison?
Rédigé par : Alice | lundi 14 novembre 2005 à 20:42
Parce que pour vous, l'apprentissage de la démocratie, c'est bon pour les vrais petits français mais pas pour les enfants d'émigrés?
Parce que l'éducation aux régles ce n'est que pour les parents?
Mais vous avez raison: ces jeunes femmes étaient d'origine française
Et comme tout le monde, elles avaient des éléments pour réussir et d'autres pour rater
La première a eu très souvent ses parents en vadrouille professionnelle, sa soeur cadette plus douée l'a dépassée scolairement très tôt, son petit frère a multiplié les établissements scolaires (environ 2 par an en moyenne) pour cause de paresse et d'indiscipline réunis
La seconde , outre un père également vagabond, a vu à l'âge de 8 ans mourir une soeur chérie de 2 ans plus agée.
Rien que de l'assez banal en fait mais qui montre que beaucoup d'enfants partent dans la vie avec certains handicaps et ont ou non la chance d'être aidés et éduqués pour s'en sortir
Rédigé par : verel | lundi 14 novembre 2005 à 21:41
"Parce que pour vous, l'apprentissage de la démocratie, c'est bon pour les vrais petits français mais pas pour les enfants d'émigrés?
Parce que l'éducation aux régles ce n'est que pour les parents?"
Je ne vois pas bien où j'ai écris ça. De toute façon, je déplore l'inverse: qu'il n'y ait pas de règles à l'école (commentaire de l'institutrice quand on s'étonne que tous les élèves parlent en même temps —Mais ils ne lèvent pas le doigt? —Oh, on ne fait plus comme ça depuis longtemps!)
Je déplore qu'on demande leur avis aux enfants dans des champs qui sont (à mon avis) de la responsabilité des adultes. Je déplore, sous couvert de "démocratie", une déresponsabilisation des adultes.
Pour en revenir un petit peu au fond:
Les études montrent que les enfants de famille d'un niveau social moyen s'en sortiront à priori, quel que soit le système éducatif utilisé (les premières études de ce type ont été réalisées aux Etats-Unis pour tenter d'évaluer la réussite ou l'échec de la méthode globale dans l'apprentissage de la lecture. (Conclusion (à peu près) : si vos parents savent lire, vous saurez lire quelle que soit la méthode employée, si vos parents ne savent pas lire, il vaut mieux pour vous une méthode syllabique). En revanche, dès que le cadre se complique (cela peut être une famille unie, aimante, soutenant ses enfants (on n'est pas obligé de tomber dans "Les Misérables") mais ne parlant pas la langue du pays à la maison, par exemple), l'enfant a besoin d'une structure simple pour apprendre: il a besoin de se concentrer. (L'échec scolaire serait dû en grande partie à une incapacité à se concentrer) Le brouhaha en classe, la permission de circuler entre les tables, l'organisation de conseils sur les sujets les plus divers, ne permettent pas de se concentrer.
Lorsque les adultes demandent aux enfants leur avis sur tout et rien (où est l'éducation aux règles?), et les laissent en fin de compte faire peu ou prou ce qu'ils veulent, au lieu d'insister sur la seule priorité, apprendre , j'estime qu'ils ne jouent pas leur rôle. J'estime qu'il y a non assistance à enfant en danger, car ce sont les enfants socialement les plus défavorisés qui ont le plus besoin de structures. Ce sont ceux-là qu'on retrouvera sur le carreau parce qu'ils n'auront appris ni à lire, ni même à parler (vouvoyer: c'est bête, mais en entretien d'embauche, ça compte. Chez son banquier, ça compte. Avec la contractuelle qui vous met un PV, ça compte. Etc La spirale est infernale: parce qu'ils parlent mal, on ne les prend pas au sérieux, parce qu'on ne les prend pas au sérieux, ils se sentent méprisés, parce qu'ils se sentent méprisés, "ils ont la haine",... etc)
"L'apprentissage de la démocratie": avez-vous appris la démocratie? Quand? Avec qui? Enseignez la littérature pour l'amour du pays et de la langue, l'histoire pour la compréhension du présent et le fonctionnement des institutions. Pratiquez la justice dans les classes: des règles simples appliquées à tous, sans passe-droit, sans indulgence, sans colère. (C'est cela aussi, respecter les élèves. La pitié n'est pas une marque de respect, l'indulgence non plus).
Quant aux deux personnes que vous citez en exemple, il est fort possible que leur sens des responsabilités soit autant due pour l'une d'avoir été l'aînée d'une famille où les parents étaient souvent absents, pour l'autre d'avoir rencontré la mort très tôt, qu'à une pédagogie Mérieux.
Rédigé par : Alice | mardi 15 novembre 2005 à 23:37
Vos commentaires prouvent simplement que vous ne connaissez pas les pédagogies institutionnelles que vous critiquez
où avez vous lu qu'il s'agit d'un système sans règles?
C'est au contraire un système où on prend régulièrement le temps de parler de la vie de la classe (ou du groupe) et l'un des sujets régulièrment abordés (spontanément)est celui des régles qui régissent le fonctionnement collectif
Et je peux vous assurer qu'il est beaucoup plus facile de faire respecter les régles le reste du temps quand on a l'occasion de s'expliquer dessus pendant un temps privilégié
temps pendant lequel on est déjà astreint à respecter des régles de base comme le fait de devoir parler chacun son tour (selon des méthodes simples bien connues de ceux qui ont fait ce type d'animation, par exemple un objet symbolise le micro, seul celui qui le posséde peut parler)
La jeune femme qui a vécu cela en primaire me racontait que les sujets abordés au conseil hebdomadaire devait faire l'objet d'une demande écrite préalable dans une boîte prévue à cet effet: bel exemple d'apprentissage du temps de réflexion !
Enfin, il ne s'agit pas de demander leur avis sur tout ou rien! La question majeure de l'éducation est bien de savoir faire évoluer les degrés de liberté et de responsabilité des enfants au fur et à mesure qu'ils grandissent et non pas de les traiter en irresponsables (tant du point de vue de leur droit à peser sur certaines décisions que sur l'obligation d'assumer les conséquences de leurs actes)tant qu'ils sont mineurs et de basculer dans une responsabilité totale quand ils sont majeurs!
La même jeune femme m'a raconté qu'à l'école primaire, ceux qui mangeaient le midi à la cantine faisaient la vaisselle à tour de rôle et que cela avait choqué une personne extérieure jugeant inadmissible "qu'on fasse travailler des enfants!"
Belle exemple d'hypocrisie d'une société qui n'imagine pas de demander à un enfant de prendre sa part dans la vie collective mais est prête à le surcharger de travail scolaire le soir quand il n'a que 6 ou 7 ans!
Prendre son tour de contribution à la vie collective, c'est aussi apprendre à vivre en société!
Et je peux vous garantir que c'est valable quel que soit le milieu d'origine. L'une de mes proches travaille comme animatrice dans le centre social d'un quartier à forte dominante d'immigrés et elle peut le constater tous les jours!
La seule difficulté de ce genre de méthodes (et ce n'est pas rien) , c'est que cela ne s'improvise pas: il ne suffit pas pour les mettre en oeuvre de réver à la pédagogie: cela suppose d'apprendre des méthodes (pas forcément très compliquées, mais qui interroge beaucoup sur les comportements personnels) et d'être clair sur ses objectifs et son rôle d'éducateur.
Rédigé par : Verel | mercredi 16 novembre 2005 à 17:26
Je ne connais pas? Combien avez-vous d'enfants scolarisés?
Rédigé par : Alice | mercredi 16 novembre 2005 à 19:31
Votre question confirme ce que je pense: vous ne connaissez pas ce genre de système! Il y a certainement moins d'1% des écoles françaises qui fonctionnent d'une telle manière...
Rédigé par : Verel | mercredi 16 novembre 2005 à 20:54