Si la liberté d’expression devient négociable, que nous reste-t-il à défendre ?
J’avais quasiment terminé une note au sujet de ces fameuses caricatures, mais je pense que je ne la publierai pas. Rédigée au 74ème degré, elle risquait d’être plutôt mal comprise et, moi-même, après plusieurs relectures, je n’étais plus si certain de savoir où je voulais en venir.
D’ailleurs, j’en suis à me demander si je ne devrais pas, à la manière des couvertures de Charlie-Hebdo auxquelles nous sommes censés échapper chaque semaine, créer sur le blog un espace pour ces notes mortes-nées, mal fichues et sans intérêt, histoire de permettre à mes biographes, d’ici quelques décennies, de mieux décrypter ma personnalité complexe... Mais puisque que j’en suis à mentionner Charlie-Hebdo, et qu’il faut quand même que je donne mon point de vue sur ces foutus dessins, j’espère que vous étiez nombreux ce matin à acheter ce petit bijou d’irrespect anticlérical, ses statistiques de ventes étant susceptibles d’être interprétées comme un bon indice de ce qui nous reste de conviction laïque.
Je ne sais pas où vous vous situez sur ce plan, mais je présume que mon approche de la chose religieuse est assez standard dans ce pays influencé par la révolution de 1789, les Lumières et les hebdomadaires paraissant le mercredi (Le Canard enchaîné du jour vaut également son pesant de cacahouètes — dans un genre un peu plus propret que Charlie). Bien que né dans une famille juive non-pratiquante, je ne crois en rien de spécial au-delà du potentiel de l’Homme à créer les conditions d’un développement harmonieux d’une part, et de son incapacité à réaliser ce potentiel d’autre part. Je ne crois pas à l’existence d’un être suprême, mais je n’ai pas la moindre antipathie pour ceux qui ont fait le choix de placer leur destinée entre les mains d’un vieux barbu, d’un moine obèse et perpétuellement rigolard, ou d’une sorte d’Astérix géant armé d’un gros marteau.
Je suis, on l’aura compris, un mécréant entièrement et totalement tolérant. Mon frère, qui respecte le shabbat, et ma belle-sœur, qui se rend à l’église deux fois par semaine, en savent quelque chose : je ne cherche plus à leur démontrer que les dinosaures ont bel et bien existé. D’ailleurs, ils s'en doutent et semblent capables de faire coexister sans trop de difficulté l’homme de Neandertal et Adam et Eve dans leur cosmogonie personnelle. Et tant qu’ils ne cherchent pas me convertir à la vraie foi ou à m’imposer leur façon d’appréhender l’intelligent design, no problemo.
Mais problemo il y a lorsque des brûleurs de consulats danois tentent de censurer ma presse. Bon, assurément, je ne lis le Jyllands-Posten que très rarement, même s’il s’est fait une spécialité de cartoons sans légende à portée universelle, histoire de compenser la faible popularité du danois comme langue de communication transfrontalière. Je ne lis pas ce journal, mais je pourrais, sa diffusion étant désormais planétaire. Et si je peux le lire, je ne veux pas qu’un barbu intervienne sur son contenu.
Les barbus ont pourtant décidé que la publication d’une série de dessins anodins valait de déclencher la troisième guerre mondiale ou, au minimum, de boycotter les exportations de Stimorol, d’assassiner quelques croisés et de lancer un amusant concours de dessin sur le thème réjouissant de la Shoah, ce mythe propagé, comme chacun sait, par les Juifs dans le cadre de leurs efforts pour le contrôle de la terre et des planètes adjacentes.
Mais mon rapport à la religion étant, je le supputais à l’instant, fort standard en ce beau pays de France, j’imaginais que la réaction immédiate et consensuelle des chattering classes serait de s’entre-regarder avec incrédulité en lâchant : « Bon dieu, mais qu’est-ce qu’ils croient, ces cons, qu’on va changer de mode de vie parce qu’ils nous menacent de je ne sais quelle fatwa ? Repasse-moi le Jyllands-Posten , je n’ai pas fini le sudoku... » (la page du sudoku étant le seul autre espace universellement compréhensible du quotidien viking, au-delà de celle des BD sans légende).
Quelle erreur ! Ne voilà-t-il pas que les leaders politiques se succèdent sur les ondes pour appeler à « l’apaisement », Chirac, Douste & Co venant expliquer aux mollahs que la liberté d’expression est une chose sacrée, mais que, oui, effectivement, ces dessins désobligeants sont une insulte à la foi des musulmans sincères. Voilà aussi que, dans un superbe élan œcuménique, le cardinal de Lyon, le grand rabbin de France et le recteur de la mosquée de Paris s’indignent collectivement de l’outrage fait au Prophète. Voilà enfin, et sans qu’Acrimed, le Saint-Just électronique de la gauche orthodoxe, ne s’en offusque, que le directeur de la rédaction d’un quotidien est limogé pour s’être souvenu de son devoir de solidarité à l’égard de journalistes danois menacés de mort...
Pour autant, ces initiatives d’apaisement ne semblent pas suffire à calmer le juste courroux des croyants, qui préfèrent désormais s’en prendre aux petits Satans qu’aux grands — d’ailleurs bien plus théologiquement corrects. So much pour le crédit de l’Hexagone au Moyen-Orient, le discours de Villepin aux Nations-Unies étant rendu inaudible par les Allah Akbar de la rue arabe.
Bien entendu, l’angélisme, même lorsqu’il est question de religion, ne devrait pas nous faire oublier que d’authentiques racistes sont prêts à se saisir de l’aubaine pour dévider leurs conneries antimusulmanes. Mais il revient alors aux démocrates laïques que nous sommes de les dénoncer avec la même vigueur. Une vigueur qui ne devrait pourtant pas emprunter les mêmes chemins que l’hallucinant dépôt de plainte du MRAP — une organisation définitivement déconsidérée.
Au final, et face au défi qu’ont apparemment lancé les intégristes de toutes obédiences à la laïcité et à la liberté d’expression, il n’y aura pas d’échappatoire, pas de Munich possible. Baisser les yeux, baisser la garde, n’est simplement pas une option, sauf à laisser filer ce qui nous reste de valeurs démocratiques républicaines. Déjà, des gens autrefois tout à fait convenables en sont venus à démontrer que le hidjab était un moyen d’émancipation pour la femme, l’interdire à l’école publique n’étant qu’un nouvel avatar de l’asservissement post-colonial des indigènes de la République. Dans un autre registre, le combat légitime contre la tentative, minable au demeurant, de promouvoir « le rôle positif de la présence française outre-mer » s’est accommodé de la présentation rituelle de l’Espagne musulmane comme un havre d’harmonie, de paix et de justice — le « rôle positif » de cette colonisation-là étant censé tomber sous le sens.
Non, vraiment, je ne me sens pas d’humeur paisible et je n’ai pas la moindre envie de céder un pouce de terrain aux leaders religieux. Et d’ailleurs, sauf à créer une commission de censure dans chaque salle de rédaction, comment ces bons apôtres d’une liberté d’expression « raisonnable » se proposent-ils d’empêcher la publication de dessins à caractère satanique ? La liberté d’expression n’est pas négociable. Et il est bien dommage que Sarkozy, ouarf, encore lui, ait été le seul à le rappeler sans ambigüité.
© Commentaires & vaticinations
s'agit-il vraiment de liberté d'expression, n'y a-t-il que ça ? cette affaire suscite énormément de commentaires, tout autant d'interrogations, vu les remous provoqués.. cherchés ?.. aaahh! "conspiration", hein ? eh bien.. pas forcément, ou pas comme l'on croit, selon xymphora qui s'y connaît un peu dans le domaine, et commence son billet 'Cartoonish conspiracies' ainsi : "You know that it has hit the fan when you start to see alternative conspiracy theories in an attempt to deflect attention from the real conspiracy"... : http://xymphora.blogspot.com/2006/02/cartoonish-conspiracies.html
Rédigé par : bituur esztreym | mercredi 08 février 2006 à 12:11
Le manque de courage d'une grande partie de nos poliques et de certains journalistes rend sceptique sur leur attachement à la liberté de recherche de la vérité.
La vulgarité obsessionnelle de Charlie Hebdo ne permet pas de comprendre le choc de deux cultures de l’image.
La mentalité moyen orientale veut un art abstrait car elle croit trop aux pouvoirs de l’image. Ceux qui créent peuvent donner le souffle de la vie en usurpant le pouvoir de Dieu et ceux qui regardent peuvent faire ce qu’ils veulent de ce qu’ils voient. Ce sont ces perceptions très anciens qui se mettent en mouvement à propos de Mahomet. Représenter un objet le soumet donc au risque de l’irrescpect, sans pour autant manifester le plus important pour l’art musulman, les structures invisibles, la perfection froide et géométrique d’un monde saisi par la logique d’un Dieu unique et désincarné.
Rédigé par : Annales histoire société christianisme | mercredi 08 février 2006 à 13:27
Entièrement d'accord avec ton indignation, Hugues, et je suis en effet surpris de la pusillanimité à ce sujet.
Mais Sarkozy n'a pas été le seul à défendre les principes. Fabius (auquel on peut reprocher ce qu'on veut) par exemple a dit qu'il n'aimait pas les dessins mais qu'il tenait "comme à la prunelle de (ses) yeux à la liberté d'expression".
Rédigé par : Phersu | mercredi 08 février 2006 à 14:21
Oui.
La lâcheté de nos représentants politiques est révoltante.
Ils croient empêcher le terrorisme en en interdisant la dénonciation.
Rédigé par : coco | mercredi 08 février 2006 à 15:45
Très d'accord avec le fait qu'on ne peut pas avoir une réaction molle vis-à-vis des manifestations violentes visant à réduire la liberté d'expression. Sur ce point je vous rejoins vraiment.
Mais j'ai quand même quelques bémols dans toute cette affaire.
D'abord j'ai lu un de vos commentaires chez What's next qui disait: "La liberté d'expression n'est pas négociable. Sinon quelles valeurs peut-on encore défendre?"
Et pourquoi pas la fraternité? Elle n'est pas encadrée par des lois, certes, mais ne figure-t-elle pas aussi au triptyque de nos valeurs fondatrices?
Un deuxième point, sur les caricatures elles-mêmes. Une caricature, par définition, est un dessin à vocation humoristique. Soit il accompagne un texte amusant, soit il se suffit à lui-même mais toujours avec ce souci de tourner la chose caricaturée de façon drôle. Bien sûr certains peuvent toujours être choqués, mais enfin la majorité des lecteurs en général trouvera plutôt la chose amusante. Mais ici dans cette affaire, les caricatures incriminées n'ont pas été publiées dans l'intention de faire rire. Dans la mesure où elles étaient publiées en réaction à un sentiment de pression poussant à l'auto-censure, elles ne portaient qu'un message politique. Elles ont alors été détournées de leur fonction "naturelle". c'est ce détournement et l'absence d'humour qui les a accompagné qui à mon avis les rend moins innocentes et fait qu'elles portent une part de responsabilité plus forte que d'autres caricatures qui conserveraient leur rôle humoristique.
D'une certaine façon, la démarche du journal danois n'était peut-être pas tout à fait une provocation, mais je dirais que c'était au moins une mise au défi (ce qui à mon sens est un peu plus léger qu'une provocation). Ils disaient un peu: "on va voir ce qu'on va voir". Et là, le combat est certes juste, mais la méthode me semble mauvaise. Elle n'avait à mon avis aucune chance d'aboutir au résultat souhaitable: ancrer dans les esprits l'importance du respect de nos valeurs laïques.
En bref, le combat est bon, mais la méthode me laisse perplexe.
Rédigé par : pikipoki | mercredi 08 février 2006 à 15:46
J'ai voulu acheter Charlie ce matin (nostalgie des années lycée...), et il n'y en avait déjà plus à 9h30 !
Un second tirage est à l'ordre du jour face au succès du numéro de cette semaine apparemment.
Rédigé par : Damien | mercredi 08 février 2006 à 16:10
une caricature vise, oui, à provoquer, lâchons le mot.
Enturbanner Mahomet d'une bombe : cela provoque. C'est clair, net : cela dénonce le terrorisme des fanatiques.
Et il est terrible de constater que, faire le simple constat, par dessin interposé, que des terroristes posent des bombes au nom du prophète soit considéré comme PROVOQUANT.
Rédigé par : coco | mercredi 08 février 2006 à 16:32
"Je condamne toutes les provocations manifestes, susceptibles d'attiser dangereusement les passions"
C'est la déclaration de Chirac.
-je condamne=je conchie la liberté de la presse
-provocations manifestes=respectons la charia
-dangeureusement=ces gens (les islamistes)sont dangereux
-passions=leur croyance est à un niveau supérieur de nos lois
Rédigé par : all | mercredi 08 février 2006 à 16:58
Bituur,
Oui, c'est un problème de liberté d'expression même si les responsables de l'agit-prop anti danoise dans les pays arabes ont leurs propres objectifs.
Annales (...),
Je ne crois pas que Charlie-Hebdo soit vulgaire. Cru, peut-être, mais pas vulgaire. Et les musulmans ont parfaitement le droit de ne pas vouloir "usurper le pouvoir de Dieu" avec des images du vivant. Mais pourquoi serions nous soumis aux interdits qu'ils s'imposent ?
Phersu,
Je n'avais pas entendu Fabius. Dont acte.
Pikipoki,
D'accord pour la fraternité comme valeur fondamentale aux côtés de la liberté (et de l'égalité, ça va de soi...). Mais les caricatures n'ont pas de "fonctions naturelles". Elles ne sont pas là pour faire rire gentiment sur la base d'un consensus sur ce qui serait universellement reconnu comme amusant.
Je ne pense pas que les curés ou les bigots bien de chez nous s'amusent des dessins anticléricaux du Canard enchaîné. Mais ils ont la possibilité de ne pas acheter ce journal et de ne pas le lire : ils ne peuvent pas les interdire (enfin, théoriquement, vu l’histoire de la Cène).
Et même dans le cas d'une provocation caractérisée, la violence et l'intimidation des intégristes ne sont pas acceptables. D'ailleurs, je ne pense pas que ce soit le cas dans l'affaire danoise, puisqu'il s'agissait de caricaturer la violence des fanatiques et pas l'Islam en général.
Enfin, tu sembles penser que le devoir des dessinateurs était d'"ancrer dans les esprits (des musulmans ?) l'importance du respect de nos valeurs laïques". Pourquoi auraient-ils ce devoir ?
Damien,
Tu n'as qu'à te lever plus tôt.
Coco,
Même la provoc fait partie de la liberté d'expression.
All,
Bah, n'accablons plus Chirac. A quoi bon.
Rédigé par : Hugues | mercredi 08 février 2006 à 17:11
Je ne dis pas que le devoir des dessinateurs était d'"ancrer dans les esprits..." Je ne pense effectivement pas que ce soit le cas. Mais je crois que c'est bien ce qu'ils ont cherché à faire dans ce cas d'espèce. Ils n'ont pas cherché à faire rire, ils ont voulu envoyer un message qui était:"nous défendrons notre liberté d'expression quoi que vous en disiez". Sur le principe je suis d'accord avec eux, mais je crois que cette méthode ne pouvait pas donner un bon résultat.
Sur la fonction de la caricature, je n'ai pas dis qu'elles devaient nécessairement faire rire tout le monde. J'ai même plutôt écrit le contraire dans mon premier commentaire. Toutefois je crois qu'elles sont toujours utilisées avec une part d'humour, pour faire rire: c'est le cas dans notre presse, et notamment pour l'édition de Charlie Hebdo de ce jour (même si dans nos caricatures de presse il y a aussi au moins en partie un message politique). Mais dans l'affaire de la publication danoise il me semble que pour une fois l'intention humoristique était totalement absente, et qu'il ne restait que le message politique. C'est là où je crois qu'on en a détourné l'usage habituel et que donc certains ont pu y voir exclusivement une intention de provoquer.
Mais cela n'enlève en rien le fait que les réactions extrêmes qui s'en sont suivies sont inacceptables.
Rédigé par : pikipoki | mercredi 08 février 2006 à 17:29
Hugues,
la provocation fait non seulement partie de la liberté de réflexion, mais peut même inciter à la réflexion (c'est dingue non?).
Là où les caricatures sont critiqués c'est qu'elles croisent prophète et bombe.
Or, ce croisement est celui, en premier lieu, qui est fait par les terroristes.
Autrement dit, on reproche au caricaturiste de désigner le rapprochement bombe / prophète, c'est-à-dire, de dénoncer le terrorisme.
C'est cela, au fond, qui est perturbant : il ne faut pas parler des méfaits terroristes, car c'est jugé comme "offensant".
la morale de l'histoire c'est que la principale fonction de nos représentants, désormais, est d'éviter les sujets qui fâchent, pour pouvoir singer une concorde sociale qui n'existe pas. Mais ce n'est pas en renonçant à parler des dangers qui nous guettent, que ces dangers cesseront d'exister. Le fanatisme EST un danger et il ne sert à rien de le planquer sous le tapis, dans l'espoir ridicule que cela puisse calmer les fanatiques.
Vous écrivez par ailleurs :
"Je ne pense pas que les curés ou les bigots bien de chez nous s'amusent des dessins anticléricaux du Canard enchaîné. Mais ils ont la possibilité de ne pas acheter ce journal et de ne pas le lire : ils ne peuvent pas les interdire (enfin, théoriquement, vu l’histoire de la Cène)."
La Cène en question, dont vous parlez, était une affiche qui recouvrait entièrement la façade d'un immeuble.
Lorsque vous lisez la jurisprudence de la cour de cassation sur ce point, on retrouve souvent l'idée que, dès lors qu'une personne est libre de ne pas voir ce qui la choque, alors, elle n'a pas à se plaindre (grosso, modo).
C'est ainsi que les insultes envers la vierge marie dans "une affaire de femme", d'une violence inouïe, n'ont pas été condamnées, ou encore que Charlie Hebdo est régulièrement relaxé.
Rédigé par : coco | mercredi 08 février 2006 à 18:59
Entièrement d'accord avec tout cela, sauf un aspect qui me chiffonne. Pourquoi reprocher au directeur de france-soir d'avoir viré son rédacteur en chef? Est-on vraiment face sur cet aspect précis à une atteinte à la liberté d'expression? En tant que propriétaire du journal c'est après tout son droit de vouloir que certaines choses n'y figurent pas, ou y figurent. Après tout, si un lecteur de ce blog se mettait à spammer des insultes envers son auteur dans les commentaires, et que Hugues efface tout cela, personne ne parlerait d'atteinte à la liberté d'expression, non?
Rédigé par : econoclaste-alexandre | mercredi 08 février 2006 à 19:25
Bien vu l'artiste !
J'adore le balancement : on est pour la liberté de la presse MAIS il ne faut pas faire de provocation. J'aime le chaud MAIS j'aime le froid, j'adore la pluie MAIS je kiffe grave la sécheresse.
Dans ces cas là, c'est à nous de choisir, il n'y a pas de juste milieu dans une affaire pareille, c'est binaire. Je repense à cette phrase entendue un jour dans la bouche d'un Allemand (non, non, je ne vous la ferai pas dans cette langue !) : "le juste milieu nourrit l'extrêmisme".
Rédigé par : Thierry | mercredi 08 février 2006 à 20:25
Quand j'apprends par France Inter (une fois n'est pas coutume) que le gouvernement a tenté de faire interdire la parution de Charlie, je ne suis pas content.
Un ministre a très bien pu intervenir pur faire virer Jacques Lefranc.
Rédigé par : all | jeudi 09 février 2006 à 09:39
enregistrement :
http://hometown.aol.com.au/Nospamgilbert/sons/hugues/franceinter.mp3
Rédigé par : all | jeudi 09 février 2006 à 09:44
Nous serons tous d'accord pour défendre l'inaliénable liberté d'expression que nous avons conquis de haute lutte à travers les siècles... Même si celle-ci est encadrée en France par certaines limites légales (et légitimes) en matière de propos racistes, antisémites, sexistes ou homophobes.
Nous serons également tous d'accord pour condamner les réactions excessives et inadmissibles de certains groupes ou Etats islamistes.
Ceci étant dit, revenons à des considérations plus pragmatiques.
La religion est un archaïsme, à tout le moins lorsqu'elle se confond avec l'idolâtrie et qu'elle est placée au-dessus de tout. L'Occident a connu cela jusqu'à il y a à peine un peu plus de deux siècles. Et le monde musulman, malheureusement, est encore en plein dedans. Nous le savons et nous ne pouvons que souhaiter que la laïcité s'impose progressivement avec la démocratie dans les pays concernés (cantonnant les croyances à la sphère privée), à espérer que c'est bien le sens de l'histoire et éventuellement à oeuvrer positivement dans cette direction (notamment par l'exemple et par l'échange dans le respect).
Mais aujourd'hui, compte tenu du contexte et des multiples tensions internationales (Irak, Iran, Palestine, Afghanistan...), était-il très malin et très responsable d'utiliser notre sacro-sainte liberté d'expression pour caricaturer le prophète en terroriste ? Cela ne pouvait déboucher que sur une crispation supplémentaire, donnant un argument de plus aux groupes et aux Etats qui en appellent au fameux "choc des civilisations". Qui est réellement surpris par ce type de réaction ? Quel était l'intérêt ? N'est-ce pas l'exemple même de l'initiative gratuite et contre-productive ?
Par ailleurs, j'aimerais également que la liberté d'expression soit défendue avec autant de vigueur que contre les islamistes imbéciles (c'est un peu facile). Dans un pays où le ministre de l'intérieur peut empêcher la publication d'un livre qui le dérange, susciter la censure dans un article de la presse magazine (l'interview de Noah dans Paris-Match) ou sanctionner un magistrat qui n'est pas d'accord avec lui, il y a du boulot...
Rédigé par : Athena | jeudi 09 février 2006 à 19:15
Athena,
QUELLE QUE SOIT NOTRE ATTITUDE, la violence fanatique se développe.
Il est illusoire de croire que l'autocensure "responsable" d'un charlie hebdo y changerait quelque chose.
La violence terroriste n'a pas attendu douze dessins minables pour se mettre en branle, et ne cessera pas même si ces dessins étaient totalement oubliés du jour au lendemain.
Alors, quitte à crever dans un attentat, autant le faire en m'étant bien marrée avant.
Rédigé par : coco | jeudi 09 février 2006 à 20:21
A propos de l'"affaire" Mahomet et de la réaction (trop tardive) du PS, je signale sur le blog du PS de Gentilly :
- le communiqué de presse de Jean Glavany
- l'article de Michel Dixmier http://ps-gentilly.over-blog.com/article-1828453.html
et, sur un album photo du blog, des images anticléricales tirées d'un ouvrage récent.
Rédigé par : Guillaume | jeudi 09 février 2006 à 20:49
On oublie un peu vite l'auto-censure que les juifs et les chrétiens imposent quotidiennement en France et la censure tout court qu'ils exercent encore trop souvent dans le domaine des arts, de la publicité et de la presse (les exemples récents abondent). Est-il honnête de s’étonner que les musulmans, dont le pouvoir médiatique est encore très limité, soient obligés de crier plus fort que la majorité de chrétiens et de juifs qui nous gouverne, écrit nos journaux et s’agite sur les écrans de télévision [de ceux qui la regardent encore] ?
Rédigé par : Hervé Eulacia | jeudi 09 février 2006 à 22:28
@thierry :
tu pourrais etre plus precis sur "l'abondance des exemples récents" ?
par ailleurs, dans cette affaire les musulmans ne font pas que crier :
http://img151.imageshack.us/my.php?image=lafoimeurtriere0jr.jpg
ok, c'est pas en france, mais d'apres ce que j'ai pu entendre ou lire comme reactions de la part de "musulmans d'en bas" autour de moi, je ne ressens pas une comdamnation tres forte de l'hysterie violente qui s'est emparée du monde islamique....
Rédigé par : grain2sel | jeudi 09 février 2006 à 23:59
correction du message precedent : il s'adressait à Hervé ...
Rédigé par : grain2sel | vendredi 10 février 2006 à 00:14
Le TGI de Paris en mars 2005, a interdit une publicité de Marithé & François Girbaud, au motif que sa représentation de la Cène était "un acte d'intrusion agressive et gratuite dans le tréfonds des croyances intimes (...) L'injure ainsi faite aux catholiques apparaît disproportionnée au but mercantile recherché".
Idem pour cet autre tribunal français qui a interdit la publication d'un ouvrage religieux qui qualifiait de « folkloriques » les « obligations de circoncision ou de chapeau », parce qu'un tel passage était de nature à raviver l'antijudaïsme.
Si vous êtes laïque, je vous assure que vous ne devriez pas considérer les musulmans comme vos premiers ennemis; ça vous rassure sans doute, mais vous faites fausse route. Au mieux, ils arrivent en troisième position. Les deux premiers vous empêchent de vivre et de penser depuis bien plus longtemps qu'eux.
Rédigé par : Hervé Eulacia | vendredi 10 février 2006 à 00:43
@Hervé : D'abord ce n'est pas parce qu'on est "laique" qu'on doit forcement voir le croyant (qque soit son obedience) comme un "ennemi".
Ensuite, il me semble par exemple que la pression qui s'exerce dans les cités (moeurs, influences vestimentaires sur les filles) est au quotidien beaucoup plus forte que les quelques exemples médiatisés que tu cites.
Rédigé par : grain2sel | vendredi 10 février 2006 à 14:17
Hervé,
On essaie de distinguer deux choses :
- la liberté d'opinion, et d'expression, au travers du droit des journaux à publier des caricatures de prophètes si le coeur leur en dit. Sur ce point, même si elles sont loin d'être consensuelles (voir le sondage que La Croix publie ce jour), ces caricatures sont possibles, et Charlie a toujours gagné ses procès contre les assos chrétiennes. En effet, les fidèles ont le choix de ne pas lire ces journaux s'ils le souhaitent, donc, logiquement, ils n'ont qu'à pas les lire au lieu de se plaindre.
- l'affichage, à des fins commerciales, et sur des dimensions très larges, de visuels détournant les religions. On peut, comme vous, vouloir que de tels affichages soient possibles. On peut aussi admettre que ces affichages soient limités, pour ne pas semer un "trouble manifestement illicite", en ce que la vision d'un tel détournement de la religion est de facto imposée aux fidèles.
C'est, à peu près, l'état du droit je pense.
Si les religions commencent à grignoter le droit de la presse, il y a un risque évident pour la liberté d'échanger des idées, notamment, de critiquer les religions;
Tant qu'elles se contentent d'interdire un pastiche de la cène, je n'estime pas que mon droit à critiquer les religions est en danger. J'ai tort?
Rédigé par : coco | vendredi 10 février 2006 à 14:32
Mais non "coco", vous avez bien entendu raison; "grain2sel" aussi a raison. Et je le remercie pour sa précieuse--et fort inattendue--référence aux cités.
Rédigé par : hervé eulacia | vendredi 10 février 2006 à 15:08
@Hervé
"ironisme" de bon ton, mais j'attends qu'on me démontre qu'il n'y a aucun lien entre une augmentation grandissante de la religion musulmane comme facteur d'identification de certains groupes de la société et la disproportion des réactions (meme si en france, on n'en est pas encore à bruler des ambassades danoises)
si vous en doutez, allez donc visiter quelques forums de la communauté musulmane francaise. c'est edifiant.
A mettre en balance avec l'indignation tres modérée que suscite les "atteintes" à la religion chretienne : il n'y a que quelques eveques et assocs fascistoides pour s'en emouvoir.
Rédigé par : grain2sel | vendredi 10 février 2006 à 21:50
grain2sel,
je suis assez d'accord.
je pense que le statut minoritaire de cette religion rend peut-être ses adeptes un tantinet parano, puisqu'ils confondent critique de leur religion et racisme.
Or je pense que c'est tout le contraire : si on traite l'islam comme toutes les autres religions, on leur montre qu'on les traite comme les autres, qu'on n'est donc pas... racistes.
Il faut arrêter de les prendre pour des imbéciles, en gros.
Rédigé par : coco | samedi 11 février 2006 à 10:19
MM. Sarkozy, Fabius ... ben, Marielle de Sarnez (UDF) aussi, dès le 1er février
http://wp.udf.org:8001/?p=66
Rédigé par : FrédéricLN | samedi 11 février 2006 à 11:29
J'aime beaucoup cette diatribe contre l'intégrisme (et le splendide passage sur le soduku) et je trouve qu'il ne lui manque qu'une chose : un hommage au rédacteur en chef d'un journal jordanien qui a fait publier les caricatures accompagné d'un édito demandant aux lecteurs ce qui faisait le plus de mal à l'Islam, ces dessins ou les attentats, les décapitations d'otages ? Bien sûr, il s'est fait renvoyer le jour même...
Par contre, l'égalité et la liberté ne vont pas ensemble car les hommes n'ont pas les mêmes capacités (même Marx le pensait alors je ne fais pas dans le Jean Marie) et ne peuvent donc être librement égaux. Ou alors on parle d'égalité de droit donc du règne du droit (Etat de droit) qui est une conséquence et une composante de notre liberté.
Rédigé par : FaTraPa | mardi 14 février 2006 à 00:50
Je suis tout de même atterré que le dépôt de plainte du MRAP soit quasiment passé sous silence ; j'ai pour ma part rameuté tous mes amis et connaissances en dénonçant cette abjecte lâcheté, mais l'eau s'est refermée sur le caillou et les vagues ont disparu (beau, non ?)
Rédigé par : chanteur de charme | vendredi 05 mai 2006 à 15:30