Les Français sont convaincus que la Grande-Bretagne vit toujours à l’heure de Dickens. Mais si le Zola local reste pertinent, c’est plutôt lorsqu’il s’intéresse à nous.
Au téléphone, j’avais oublié de demander à Roger Maddison à quoi je le reconnaîtrais en arrivant au Hilton de Birmingham. Mais avec sa bouille de supporter de foot, son gilet en tricot et son pantalon de velours côtelé, le leader syndical aurait eu du mal à passer pour l’un des businessmen en costume sombre allant et venant dans le lobby de l’hôtel. Je n’ai donc eu aucun mal à le repérer.
Responsable de la branche automobile d’Amicus, l’une des principales Trade Unions britanniques, il avait accepté de répondre à mes questions concernant la fermeture programmée de l’usine Peugeot de Ryton. Il faut dire que, vu le peu d’intérêt de la presse britannique pour le licenciement des 2 300 ouvriers du site, la perspective de s’épancher auprès d’un journaliste français lui semblait intéressante.
« Tout le monde s’en fout, a-t-il d’ailleurs commencé par m’expliquer en sirotant un Irish coffee au bar. Déjà, la fermeture de Rover était passée quasiment inaperçue l’an dernier. Et idem pour celle de l’usine de tracteurs Massey-Ferguson. En tout, sur trois ou quatre ans, la région aura perdu près de 35 000 jobs liés à l’automobile dans une indifférence quasi générale ». Drôle d'endroit, non, que cette Grande-Bretagne où les emplois industriels disparaissent par milliers sans provoquer le moindre débat public. Vue de France, où les députés en sont presque à s’immoler par le feu pour protester contre le déplacement de quarante kilomètres d’un atelier chimique, la situation pourrait paraître étrange. Mais c’est sans doute ce qui fait toute la différence entre un pays ayant virtuellement éliminé le chômage en quelque dix ans et son voisin ― abonné aux Assedic pour tous depuis un quart de siècle.
De fait, l’annonce de la fermeture du site de Peugeot avait été largement éclipsée, dans la presse s’entend, par la qualification d’Arsenal en ligue des Champions et l’annonce des infidélités de John Prescott, le vice-premier ministre de Tony Blair. Clairement, le fait que le numéro deux du gouvernement ait couché avec sa secrétaire avait davantage de potentiel médiatique que l’arrêt de la production de la 206 dans les Midlands. « C’est vrai, l’économie marche bien ici, admet Roger Maddison en guise d'explication. Les gens qui perdent leur boulot en retrouvent un autre et le gouvernement ne se sent pas obligé d’intervenir pour préserver une activité comme il le ferait en France. D’ailleurs, la plupart des licenciés de Rover avaient repris le travail moins d’un an après la faillite du groupe ».
Bon, tout n’est pas rose non plus au pays du plein emploi. Et si le Guardian confirme que quelque « 66% des anciens Rover avaient déjà retrouvé un emploi dès décembre dernier », ils semblent y avoir laissé quelques plumes : « Les salaires offerts sont souvent inférieurs à ce que l’automobile propose et les gens ont abandonné près de 3 500 livres [5 000 euros] par an en moyenne par rapport à des rémunérations généralement proches des 2 000 livres [2 900 euros] par mois chez Rover ou Peugeot. Mais le salaire n’est pas tout : ils ont aussi perdu en termes de conditions de travail. Et dans le cas de Peugeot, où l’on ne travaille que 36 heures par semaine pour rester dans le contexte des réductions du temps de travail obtenues en France, les gens devront recommencer à travailler quarante heures, peut-être quarante-deux... »
Wait a sec’! Les ouvriers de Peugeot UK sont payés près de 3 000 euros par mois pour 36 heures ? Quand leurs homologues de Sochaux ou de Poissy en obtiennent la moitié à tout casser après dix ou quinze ans de maison ? Et ils ont la quasi certitude de retrouver un job en bas de chez eux en cas de problème ? Hum, on comprend que Tony Blair, interpellé en séance parlementaire, se soit limité à exprimer sa « tristesse » et sa « sympathie » à leur égard, rappelant, avant de passer à autre chose, que ce type de situation était « inévitable de temps en temps ».
Pour Blair comme pour le député Labour en charge de la circonscription dont dépend l’usine de Ryton, la cause est entendue : dans une économie prospère et performante, les entreprises naissent et meurent. L’important étant, pour un gouvernement efficace, d’encourager le remplacement permanent des secondes par les premières. Et si l’industrie automobile doit disparaître, après avoir elle-même contribué à l’étiolement du dynamique segment de la carriole hippomobile, so be it... La destruction créatrice schumpeterienne en action, quoi. Un vrai rêve de manuel d’éco pour cursus libéral...
Mais force est de constater que ça marche. Que la Grande-Bretagne que j’avais connue il y aura bientôt vingt ans, avec ses bedsits crasseux, ses salaires de misère, son chômage endémique, ses Ford Escort rouillées, ses vans Bedford cabossés, ses greasy spoons miteux, n’existe plus. Que Manchester est en train de construire la tour résidentielle la plus haute d’Europe, symbole éclatant de la régénération d’une ville à côté de laquelle Marseille, deux décennies plus tôt, aurait pu passer pour propre et moderne. Que des millions de twentysomethings optimistes, équipés du pouvoir d’achat d’un fortysomething gaulois pessimiste, écument l’Euroland via EasyJet...
Roger Maddison, tout membre « critique » du Labour qu’il soit, n’a pas la mémoire courte non plus. Et s’il se demande si Blair n’a pas un peu oublié qui l’avait fait roi, il est conscient du chemin parcouru, m’écoutant, mi-incrédule mi-effaré, lui parler de la France d’aujourd’hui, de ses facs en ébullition et de ses banlieues en feu, de son chômage et de ses Jean Lassalle. « Is that really what you wanna go back to, mate ? » je demande, faussement naïf. « Well no, obviously, qu’il répond en absorbant les dernières gouttes de son Irish coffee. But perhaps we could meet halfway ? » A mi-chemin ? Moi, je signe sans hésitation. Je signe pour un système qui permette de concilier un Etat providence qui fonctionne, inséré dans un environnement économique efficace. Un peu de ceci, un peu de cela... De la sécu qui marche et des entreprises qui innovent... The best of both worlds, comme on dit dans les Midlands.
Mais nous avons, pour le moment encore, arbitré en faveur du pire des deux mondes, notre fiscalité à la scandinave étant manifestement incapable de prévenir pauvreté, inégalités, repli communautaire et services publics en déshérence. Bref, une sorte de Suède yankee ; le bâtard monstrueux né d’un discours hypocrite sur l’égalité proféré, toute honte bue, par des corporations focalisées sur leurs seuls intérêts.
Dickens ― oui le fameux Dickens dans les romans duquel les Anglais contemporains sont apparemment condamnés à survivre selon Marie-Georges Buffet ou le Monde Diplo ― avait évoqué, dans A Tale of Two Cities, sa vision d’un Paris en proie à la Terreur en face d’un Londres aux problèmes devenus bénins par comparaison... Bien entendu, l’histoire repassant rarement les mêmes plats, 2006 n’a pas grand-chose à voir avec 1793, même si Besancenot joue les nostalgiques. Tout juste traversons-nous une période de morosité et d’absence de perspectives dont l'issue est difficilement perceptible, la plupart d’entre nous étant même convaincue qu’elle ne se terminera pas, l'humanité se précipitant vers quelque fin horrible que nous serions les seuls à pressentir...
Roger Maddison a beau souhaiter ― et moi avec ― le meilleur deal possible pour ses ouailles, je ne crois pas qu’il soit prêt, pour autant, à leur suggérer de nous suivre sur le chemin de la révolution permanente. Et le baratin convenu qu’il me sert au sujet de « l’incroyable capacité de résistance » des étudiants et des ouvriers tricolores tient plus du réflexe pavlovien que de la conviction profonde. Après tout, un syndicaliste anglais, même « membre critique du Labour party », est parfaitement capable de mesurer l’étendue du gâchis né de notre refus de regarder la réalité en face et de réaliser l’énorme potentiel qui reste le nôtre. Un syndicaliste français, de son côté...
© Commentaires & vaticinations
Dickens, c'est la pauvreté. Et de ce côté là, qui est tout sauf anecdotique, la France n'a pas vraiment à recevoir de leçons de nos voisins d'outre-manche. Du moins si l'on se fie aux statistiques européennes (http://epp.eurostat.cec.eu.int/portal/page?_pageid=1996,39140985&_dad=portal&_schema=PORTAL&screen=detailref&product=sdi_ps&language=fr&root=sdi_ps/sdi_ps/sdi_ps1000).
Mais les statisticiens européens sont probablement d'affreux gauchistes.
Bien cordialement,
EL
Rédigé par : EL | vendredi 28 avril 2006 à 18:02
El,
C'est un peu hors sujet mais, puisque tu en parles, les données que tu cites ne sont pas convaincantes. D'abord parce que ton lien ne va nulle part ensuite du fait du fonctionnement d'Eurostat, qui ne fait que compiler les données qui lui sont fournies par les organismes statistiques nationaux (cf. l'INSEE pour nous).
Ainsi, la France considère qu'un "pauvre" est quelqu'un dont les ressources sont inférieures à 50% du revenu médian. Pour la plupart des autres pays, c'est 60%. Du coup, un moins grand nombre de personnes se retrouve sous la barre fatidique en France. Et il ne s'agit pas d'une obscure variation mais d'un phénomène connu.
En gros, la France et le R.U. sont à peu près au même niveau toutes choses égales par ailleurs (et même, le salaire médian étant désormais nettement plus élevé là-bas qu'ici, il faudrait encore pondérer en parités de pouvoir d'achat pour savoir où on en est vraiment mais j'ai la flemme de chercher ça).
Rédigé par : Hugues | vendredi 28 avril 2006 à 18:24
Affirmer qu'Eurostat mélange des choux et des navets, c'est un peu fort de café! Les données sont évidemment normalisées. En ce qui concerne les chiffres sur la pauvreté, c'est le seuil de 60% qui a été retenu, ce qui est indiqué clairement sur le site. Pas de risque de confusion.
Bien sûr, le salaire médian y est plus élevé, mais je crois me souvenir que la différence n'est pas colossale (15% environ - j'ai la flemme de retrouver le chiffre, si d'aimables lecteurs l'ont à leur disposition). Il faudrait également raisonner en ppa. Mais vu l'immobilier britannique, je doute que les pauvres, avec leurs traites ou leurs loyers, roulent en bentley.
Concernant la pertinence de mon commentaire, j'aimerais comprendre en quoi il est hors-sujet alors que vous vous lamentez de "notre fiscalité à la scandinave [...] manifestement incapable de prévenir pauvreté". On peut à ce propos noter avec amusement que les données Eurostat montrent précisemment que notre fiscalité (quasi) scandinaves coïncident avec un taux de pauvreté également (quasi) scandinave.
Mais bien sûr ces chiffres sont faux. S'ils étaient vrais, ils iraient dans le sens de la doxa blairiste (et je parle bien de la doxa, n'étant pas anti-blairiste primaire, loin de là).
C'est tout de même un peu facile la contestation des données statistiques, lorsqu'elle est à sens unique!
Bien cordialement,
EL
Rédigé par : EL | vendredi 28 avril 2006 à 19:14
Juste en passant : A Tale of two Cities n'est vraiment pas le meilleur Dickens.
Conseille plutôt à tes lecteurs Bleak House (La maison de l'apre-vent) mais il n'est disponible qu'en Pleiade !!!
les amateurs de littérature européenne sont probablement d'affreux liberaux.
Rédigé par : Tlön | vendredi 28 avril 2006 à 19:19
Pour les données, il faut aller sur le site d'Eurostat (http://epp.eurostat.cec.eu.int), cliquer sur le lien "Pauvreté et exclusion sociale" (vers le bas de page pour la version française), puis sur "Taux de risque de pauvreté après transferts sociaux". Et voilà.
Rédigé par : EL | vendredi 28 avril 2006 à 19:22
C'est des livres, ou bien c'est des euros. Si c'est des livres, 2800 livres, ça fait 4000 euros, pas 3000. C'est beaucoup, non ?
Rédigé par : Denys | vendredi 28 avril 2006 à 19:24
Encore raté (désolé...). Si ça marche pas ce coup-ci, rv sur google. Donc, Eurostat : http://epp.eurostat.cec.eu.int
Rédigé par : EL | vendredi 28 avril 2006 à 19:26
@ Hugues : ce dont parle EL n'est en rien hors sujet. Certes le lien ne marche pas, peut-être Eurostat n'est-il pas fiable, mais :
1°) Garder les yeux rivés sur le seul chiffre du chômage n'a pas de sens, pour bien des raisons sur lesquelles je ne m'étends pas ici pour ne pas être trop long. En revanche, le taux de pauvreté ou de précarité reflète réellement l'état d'une société. EL est donc bien dans le sujet. Votre article en revanche reste vague et très général.
2°) Il existe de nombreuses statistiques (de chercheurs indépendants en particulier et non d'organismes officiels ou orientés) qui démontrent avec des données comparables que le taux de pauvreté est -au mieux- resté stable depuis 10 ans au Royaume-Uni, voire a augmenté. Sachant que ce taux est de surcroît bien supérieur à celui de la France, cela fait tout de même une belle différence. Sauf à se foutre éperdument des pauvres qui nous côtoient, ce qui n'est pas mon cas.
Ceci étant (je ne vais encore une fois pas écrire un roman), pour parler d'« un pays ayant virtuellement éliminé le chômage en quelque dix ans », il faut ne pas connaître l'imposture que constitue le chiffre brut du chômage en Angleterre : tous les économistes le savent, ce pays présente la particularité d'écoeurer les exclus au point que ceux-ci préfère se déclarer malades plutôt que chercheur d'emploi. Conséquence : 7% de « malades » contre 0,3% en France. Le chiffre du chômage anglais est totalement bidonné et s'approche en réalité fort de celui de la France. Je pourrais également parler ici du prétendu « 1 jeune français sur 4 au chômage » et montrer que le chômage des jeunes au Royaume-Uni est à peine inférieur à celui de la France, mais je m'arrête là pour les chiffres, préférant préparer un billet à ce sujet sur mon blog, ce qui sera plus courtois que monopoliser l'espace ici...
Il n'en reste pas moins que l'état de la France est inquiétant. Mes propos ci-dessus n'avaient pas pour but de démontrer que tout va bien chez nous, juste de rappeler que la nouvelle mode des modèles anglais et danois (qui fait suite à celle des exemples suédois et japonais il y a quelques années) me peine et, surtout, n'apporte d'arguments qu'à ceux qui trouvent que l'herbe du voisin est plus verte...
Enfin pour finir, félicitations pour avoir trouver un anglais pour défendre le blairisme, parce que sur le plan économique, il n'y a guère que sur le continent qu'il est possible d'en trouver, tant les anglais ne se voient pas, mais vraiment pas, comme des modèles...
Cordialement,
Etienne FILLOL.
Rédigé par : Etienne FILLOL | vendredi 28 avril 2006 à 19:30
Oui, comme le dis l'adage, les anecdotes... Pour le taux de chomage et sa pertinence dans les comparaisons UK-France, quelques discussions ici :
http://guerby.org/blog/index.php/2006/04/23/66-les-manifestants-francais-sont-des-dieux-en-economie
et une critique la :
http://optimum.tooblog.fr/?2006/04/25/171-les-manifestants-francais-sont-ils-des-dieux-en-economie
Rédigé par : Laurent GUERBY | vendredi 28 avril 2006 à 21:44
J'imagine, en effet, que les "nombreuses statistiques de chercheurs indépendants" ressemblent à ceci :
http://www.bip40.org/fr/
Je doute que cela émeuve beaucoup les gens de l'INSEE, ou d'Eurostat ; ils ont l'habitude.
Pour ce qui concerne Eurostat, difficile, en effet, d'accéder à l'information qu'il diffuse via un simple lien : les organismes de ce genre donnent souvent accès à leurs données via une arborescence complexe. Plutôt qu'un lien il faut donc, comme le fait EL, indiquer une procédure.
Et pour ce qui concerne la différence - qui paraît maintenant moins flagrante - entre les rémunérations annoncées pour les salariés britanniques de Peugeot et les Français, on pourrait hasarder une hypothèse : si l'usine de Ryton a déjà connu des plans sociaux, on peut supposer, c'est en tout cas ainsi que les choses pourraient se passer en France, que les salariés restés en place sont les mieux protégés, donc les plus anciens et les mieux rémunérés, ce qui expliquerait à la fois l'écart de salaires et le coût élevé de la production.
Rédigé par : Denys | samedi 29 avril 2006 à 09:21
Vous faîtes insidieusement l'apologie du blairisme, mais n'oubliez pas qu'il n'a pas remis en cause les réformes de Thatcher. (je reconnais bien là les omissions journalistiques classiques. Vous êtes dépourvu d'une chose, mais est-ce d'une formation en économie ou d'un semblant d'éthique ?)
Même les économistes universitaires français savent que lorsque l'influence de la sphère étatique et des monopoles syndicaux sur l'économie se réduit (liberté d'ajustement des salaires, smic raisonnable,..), le taux de chômage tend au bout de nombreuses années vers son taux naturel d'équilibre (le NAIRU), disons 5%. [Comment ? ce ne sont pas les 10 ans de Blair qui ont fait ça ??..]
On pourra nier autant que faire se peut les statistiques du chômage, le fait est que les ouvriers de Ryton retrouveront un emploi dans les quelques mois qui viennent, alors que la fermeture d'un site en France devient un drame pour les plus de 40 ans.
Bien sûr une partie des chômeurs UK sont masqués, mais je crois que la France fait pire dans le traitement social du chômage (emplois aidés, préretraites,...) ; elle bénéficie par ailleurs d'un avantage géographique énorme par rapport au UK.
Le thatcherisme a de nombreux défauts, mais la mise en place du seul blairisme en France en 2007 vous apporterait une déception à la hauteur des espérances que vous placez dans Mademoiselle Royal. Cela n'aura pas lieu de toute façon : actuellement elle ratisse large, de l'extrême gauche à Christine Boutin, mais finalement elle ne doit pas être éloignée des inepties idéologiques prônées par son concubin Fraise des bois.
Restez donc bockeliste ou basculez du côté obscur (nos aînés, devenus réalistes, y sont venus, soyez en avance sur votre génération. Et sur la presse marxiste qui vous publie pour mieux vous soudoyer).
Bien à vous
Rédigé par : Filibert | samedi 29 avril 2006 à 11:45
El,
Manifestement, ce « débat » sur la disparition du chômage en Grande-Bretagne reste impossible à clore, en dépit de la réalité incontestable du phénomène et des mille manières de le démontrer. Je vais d’ailleurs répondre à l’ensemble de tes réflexions.
Je commencerais toutefois par présumer (mais tu pourras peut-être me détromper) que tu ne connais pas ce pays et que tu n’en parles qu’en fonction de purs postulats idéologiques. Dans le cas contraire, si tu avais simplement eu l’occasion de te promener à Londres, à Oxford ou à Glasgow, tu aurais pu observer la traduction concrète de ce « dynamisme statistique » de l’économie (consommation, tourisme, diffusion de l’innovation technologique, marché automobile, etc.).
Tu aurais peut-être également eu la possibilité de discuter avec des Britanniques de leur expérience concrète du marché du travail et de confronter leur point de vue au baratin repris sans précaution en France. D’ailleurs, tu aurais même pu en discuter avec les centaines de milliers de Français établis là-bas pour des raisons purement économiques.
Mais pour rester sur le taux de chômage, sans doute seras tu d’accord pour admettre qu’il s’observe généralement en fonction de critères objectifs standardisés fixés par le BIT (http://laborsta.ilo.org/) lorsque l’on cherche à établir des comparaisons internationales (« une personne à la recherche d’un emploi, n’en ayant pas occupé un pendant la semaine de référence et étant immédiatement disponible pour en occuper un », ni plus, ni moins). Ainsi, selon ce système, la Grande-Bretagne connaissait un taux de chômage de 4,6% en 2004, contre 9,9% pour la France. Il faut d’ailleurs remonter à 1987 pour trouver un taux comparable dans les deux pays :10,7% pour la France et 10,8% pour la Grande-Bretagne. Les méthodes d’appréciation du chômage par le BIT n’ayant pas été modifiées entre les deux périodes, il faut en conclure que ce qui était vrai alors en matière de différentiel l’est toujours.
Maintenant, les Français aiment bien rappeler que les Britanniques utilisent des instruments de traitement social du chômage, lesquels permettent de sortir tout un tas de catégories de gens des statistiques. C’est vrai. Tout comme en France. Et si tous les préretraités, RMIstes, stagiaires, allocataires de ceci ou de cela étaient pris en compte chez nous, le nombre de chômeurs approcherait sans doute des quatre millions.
C’est la raison pour laquelle le meilleur moyen de décrire la réalité consiste à prendre les choses à l’envers en observant plutôt le taux d’emploi, soit la fraction de la population effectivement employée par rapport à l'ensemble des résidants en âge de travailler. Dans ce contexte, précisons que la France comptait quelque 24,7 millions de personnes au travail en 2004, contre 28 millions pour la Grande-Bretagne. Il s’agit là des dernières stats disponibles via le BIT et les choses se sont encore améliorées pour nos voisins depuis, mais sur cette seule base, ils emploient plus de 3 millions de personnes en plus pour une population identique. Avec trois millions d’emplois en plus, le chômage disparaît en France. [pour toutes les données BIT : clique sur le lien ci-dessus et sélectionne les champs par pays et type de stats]
En terme de taux d’emploi rapporté à la population active, les choses sont claires : 63,1% en France et 71,6% en GB (http://www.insee.fr/fr/ffc/figure/CMPFPS03138.XLS).
Sommes-nous d’accord sur ces éléments ou pas ? En tout état de cause, si tu disposes d'un moyen d'aller au-delà du taux d'emploi, je suis preneur.
Maintenant, dans mon papier, j’évoque la réalité d’une région capable d’absorber le choc de la disparition de 35 000 emplois industriels en voyant son taux de chômage inchangé, comme le rappelle d’ailleurs pertinemment Le Monde : http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3234,50-763652,0.html
S’il faut bien se féliciter d’une chose, c’est bien d’une situation qui permette au tissu économique de se renouveler avec autant de facilité. C’était d’ailleurs tout l’enjeu de ce texte (je reviens plus bas, en réponse à Etienne, sur la question de la pauvreté).
Enfin, les salaires britanniques, au-delà des histoires Peugeot sont très supérieurs aux salaires français et ton estimation de 15% est très en dessous de la réalité. Le salaire médian (pas moyen, médian !) est de 23 000 livres par an, soit 33 200 euros (http://politics.guardian.co.uk/publicservices/story/0,,1759020,00.html). En France, il est de 19 182 euros pour les femmes et 23 778 euros pour les hommes (http://www.insee.fr/fr/ffc/figure/NATFPS04101.XLS).
Tlön,
Moi c’est Nicholas Nickleby.
Denys,
J’ai reprécisé les euros et les livres. Le salaire d’un ouvrier de Peugeot UK est à peine inférieur à 3 000 euros. Celui d’un ouvrier de Peugeot France est généralement inférieur à 2 000 euros.
Etienne, El,
Sur la question de la pauvreté. La France transmet effectivement des données non-standardisées à Eurostat, comme le confirme l’extrait du document ci-dessous :
« Entre 1 et 2 millions d’enfants pauvres en France : c’est le constat dressé dans le dernier rapport du CERC [1]. La fourchette est large : elle traduit la forte concentration des pauvres dans le bas de la distribution des revenus. Le CERC et l’INSEE, comme les autres administrations, privilégient le seuil le plus faible (50% du revenu médian) alors que les statisticiens européens retiennent un seuil de pauvreté monétaire un peu plus élevé (60% du revenu médian). Cela suffit pour expliquer un écart de 1 à 2. Mais l’INSEE se livre aussi à d’autres manipulations pour minimiser l’étendue de la pauvreté. »
http://www.bip40.org/fr/article.php3?id_article=17
Filibert,
Je ne fais pas l’apologie « insidieuse » du blairisme. Je la fais sans complexe. Mais je crois que mes compétences économiques sont à peu près au point. Incidemment, le Nairu n’est pas un taux naturel de chômage (il n’existe rien de tel), mais un seuil en deça duquel l’inflation est censée repartir à la hausse. Et il semble que ce concept soit à prendre avec précaution, compte tenu du nombre de pays conciliant faible taux de chômage et faible inflation (dont, ha ha ha, la Grande-Bretagne).
Pour l’éthique, je n’ai pas l’impression non plus d’en manquer de manière évidente. Mais ce n'est sans doute pas à moi d'en juger.
Rédigé par : Hugues | samedi 29 avril 2006 à 13:01
Juste une precision, le tableau Eurostat s'appuie sur un seuil a 60% pour tous les pays. La France est a 8% de pauvrete selon l'Insee, 12% selon ce seuil qui a ete choisi d'apres les travaux d'Atkinson.
Rédigé par : Francois | samedi 29 avril 2006 à 13:25
Premier point : mon commentaire ne portait pas sur la question du taux chômage britannique. Je n'en discute pas le moins du monde la validité. Il est d'ailleurs très délicat d'essayer de démêler le vrai du faux en ce domaine, et je ne m'y risquerais pas. Mais en tout état de cause, il est difficile de nier que le marché du travail britannique est plus dynamique que le nôtre. Tout cela est bel est bon, mais - je me répète - ce n'était pas mon propos.
Je souhaitais souligner implicitement que le débat sur le modèle britannique pourrait changer de nature si on l'abordait sous un autre angle, celui de la pauvreté. Le taux de chômage n'est pas tout.
J'admets sans difficulté ne jamais avoir mis les pieds en Angleterre (à mon grand regret). Je sais, par ma formation et mon expérience, l'intérêt d'un contact direct avec son objet d'étude. Mais j'en sais également les limites et les dangers. L'observation directe ne donne pas un accès privilégié au vrai. D'autant qu'il est généralement bien difficile de faire un tour complet du paysage : non, je n'aurais jamais pu discuter "avec les centaines de milliers de Français établis là-bas pour des raisons purement économiques". Et toi non plus. Soit dit en passant, il conviendrait de prendre avec précaution ces histoires d'exils massifs. Pour cela, je te renvoie naturellement vers les billets d'Emmanuel sur Ceteris Paribus (par exemple celui du 17 avril : http://ceteris-paribus.blogspot.com/2006/04/mais-par-un-prompt-renfort-ils-se.html).
Mais même s'il m'était possible de m'entretenir avec la planète entière, cela ne changerait pas grand chose aux limites de l'exercice. C'est bien simple, il ne m'est jamais arrivé de recueillir un ou plusieurs témoignages sans découvrir a posteriori qu'ils n'entretenaient qu'un rapport lointain avec la réalité. Et aucune de mes observations spontanées n'ont jamais résisté à un examen plus approfondi. Je ne vois pas pourquoi le simple constat du dynamisme de Londres, Glasgow ou d'Owford échapperait à cette règle. Peut-être ta situation ne te permet-elle de découvrir qu'un aspect particulier de cette situation? Peut-être que ce dynamisme cache une réalité moins enviable? Ce sont des questions qui méritent d'être soulevées, mais ta lecture de la situation de la situation britannique s'arrête au seul constat de ce dynamisme. Lorsque tu écris que "s’il faut bien se féliciter d’une chose, c’est bien d’une situation qui permette au tissu économique de se renouveler avec autant de facilité", je ne peux que répondre que ce qui m'intéresse n'est pas l'état du "tissu économique", mais la situation des individus qui le composent. Tu me répondrais peut-être que l'un ne va pas sans l'autre, mais il ne s'agirait là que d'un postulat qui doit être examiné empiriquement. Or le fort taux de pauvreté britannique, aussi peu contestable que son faible taux de chômage, n'est pas l'indice d'une situation enviable.
Et je le répète, cette pauvreté est difficilement contestable. Tu me renvoies sur une page du Guardian pour montrer la très nette supériorité du salaire médian anglais sur le salaire médian français. Déjà, la page de l'INSEE que tu mets en lien indique le salaire moyen. Ensuite, rien n'est précisé quant à la nature des chiffres présentés dans le Guardian. Brut ou net? Avec ou sans temps partiels?... Pour établir des comparaisons, il est préférable de s'inquiéter au préalable de la normalisation des données (d'où l'intérêt d'Eurostat, qui n'est pas une simple chambre d'enregistrement des statistiques nationales, mais participe activement à cette normalisation). Sur cette question du salaire médian, une petite recherche ne m'a permit que de trouver cette comparaison internationale : http://management.journaldunet.com/0403/040331_europepay.shtml. Je n'ai pas une confiance absolue en cette source, et je n'ai pas accès au rapport évoqué, mais l'orientation idéologique de ce journal ne semble pas aller dans le sens d'une minimisation de la différence entre France et Angleterre. Or cette différence semble bien raisonnable, si l'on se fie à cette source.
Bien cordialement,
EL
PS : je n'ai jamais écris que l'INSEE transmettait des données standardisées à Eurostat (ni écris le contraire). J'ai simplement écris que les données présentées par Eurostat sont standardisées. La question n'est pas de savoir qui les normalise, mais si elles le sont! Or c'est le cas, comme te le rappelle François (seuil de 60%). Il n'y a donc, au moins de ce côté-là, aucun biais dans la comparaison. Si tu veux mettre en doute Eurostat, il va falloir trouver autre chose!
Rédigé par : EL | samedi 29 avril 2006 à 15:07
Décidemment, moi et les liens...
Il faut retirer le point à la fin de l'adresse pour tomber sur la bonne page. Je fais une nouvelle tentative : http://management.journaldunet.com/0403/040331_europepay.shtml
Désolé...
Rédigé par : EL | samedi 29 avril 2006 à 15:18
Tu es vraiment un social-traite : Nicholas Nickleby il n'est même plus disponible en Pléiade !!!!
Rédigé par : Tlön | samedi 29 avril 2006 à 16:26
Tlön,
Je l'ai lu en anglais. Car rien ne vaut l'observation directe, comme dit El...
Rédigé par : Hugues | samedi 29 avril 2006 à 16:55
Parfois, je me demande si je n'écris pas chinois.
Rédigé par : EL | samedi 29 avril 2006 à 17:22
J'en déduits que tu maitrises et la langue de Shakespeare et celle de Mao ze Dong
Rédigé par : Tlön | samedi 29 avril 2006 à 19:08
Quand je donnais bip40 en lien, je ne pensais pas que l'on me prendrait au mot, ni que l'on prendrait ces gens au sérieux.
Je vais donc rappeler la raison que l'INSEE évoque quand aux différences dans les modes de calcul des taux de pauvreté français et européen. L'INSEE prend depuis longtemps comme seuil 50 % du revenu médian, là où Eurostat retenait 50 % du revenu moyen. Quand Eurostat a décidé de faire son calcul à partir du revenu médian elle a, pour conserver la validité de sa série et compte tenu de la distribution fortement asymétrique des revenus, choisi un seuil de 60 %. L'INSEE a gardé ses 50 % : pourquoi, lui qui avait bon depuis le début, aurait-il dû rompre la continuité de sa série statistique, chose qu'Eurostat n'a pas fait ?
Voir là "une manipulation qui minimise l'étendue de la pauvreté" en "privilégiant le taux le plus faible" suffit à mon sens à disqualifier totalement ceux qui tiennent ces propos, surtout quand, comme c'est vraisemblablement le cas ici, ils connaissent la raison de l'écart.
Rédigé par : Denys | samedi 29 avril 2006 à 20:16
Pardonnez mon agressivité précédente. Vous n'avez pas compris mon propos.
On définit chômage naturel comme le taux de chômage de long terme de l'économie sans perturbation extérieure. Très proche du NAIRU (concept très théorique). http://fr.wikipedia.org/wiki/Non-Accelerating_Inflation_Rate_of_Unemployment
Il sera obtenu si la banque centrale respecte ses objectifs d'inflation et si l'Etat ne vient pas perturber l'économie. Donc, oui, tout-à-fait,le Royaume-Uni (la Grande-Bretagne n'est pas un pays :-] ) est l'un des rares à approcher ce NAIRU, nous sommes d'accord.
JE ne dis pas c'est une bonne chose, vu que cela apporte de la pauvreté. J'aimerai simplement que vous réfléchissiez sur les causes de la bonne santé actuelle et admettiez qu'elle est due en partie à Thatcher.
Rédigé par : Filibert | samedi 29 avril 2006 à 21:37
voici quelques impressions sur ce qu'est devenu le RU (impressions d'insider)
Le chômage:
- Comme le marché du travail est flexible, il est facile de perdre et de retrouver un emploi. Cela dit, on n'est pas généralement pas "virés" du jour au lendemain, il existe des préavis dont la durée est variable.
- Le salaire minimum est ridiculement bas: facile de créer des emplois peu payés dans le secteur des services, ou même à la station de métro (eh oui il y a dans certaines stations quelqu'un payé pour vous dire de rentrer à l'intérieur du train + le mind the gap habituel).
_ L'indemnisation du chômage dure peu longtemps et est peu avantageuse, ce qui force le chômeur à accepter des jobs souvent moins bien payés.
_ Le temps partiel est très développé.
En conséquence tout est fait pour créer des emplois, à condition de ne pas être trop regardant sur leur nature. Et là est le coeur du problème, le type qui contrôle le quai avec son sifflet a une utilité. En France, on considère certains métiers comme dégradants. Au RU, ce qui est dégradant c'est de ne pas travailler. Précisons cependant que la retraite obligatoire est d'un montant faible, donc un Rmiste et un employé payé au salaire minimum en UK se ressemblent un peu. La différence c'est que celui en UK a un espoir d'améliorer sa situation et il se sent moins exclus du fait de son travail. Il ne se considère pas comme une victime.
La notion de précarité est différente ici. Il y a beaucoup de working poors. Devant les prix exorbitants de Londres, il y a même des couples qui vivent en colocation, parfois même avec un enfant. Il faut aussi se garder de convertir les livres en euros, le coût de la vie est plus cher, même à l'extérieur de Londres. Et donc le salaire nominal a beau être plus élevé, je doute que le niveau de vie soit supérieur au RU. Le fait que Londres soit la ville des Porsche vient du fait qu'une infime minorité de personnes touchent des salaires exorbitants...
et cependant quelle transformation que le RU. Il continuera d'avancer simplement parce que les gens ont une mentalité de travail, et qu'il attire des jeunes désireux d'apprendre et d'évoluer. Un exemple très empirique: ma coiffeuse est australienne, et a un permis de travail de deux ans. Elle ne doit pas gagner beaucoup, elle habite dans une très grande colloc, mais on voit tout de suite qu'elle a confiance en son avenir et qu'elle est là aussi pour vivre une expérience. Elle prend des cours du soir pour faire autre chose. Elle ne va pas beugler dans la rue pour dire à quel point sa vie est précaire! Au passage le mot précarité est intraduisible en anglais.
En outre, on ne se pose pas de faux débats. Par exemple, le service public qui était un gros point noir, est en train de s'améliorer, notamment par le biais du management. Dans le métro on voit même des affiches pour recruter des professeurs, avec pour argument le salaire! Impensable en France. L'Etat est capable de réinvestir dans les services publics et il est faux de dire que le RU est devenu un pays ultralibéral.
Enfin concernant les Français au RU, le nombre de 300000 fait du sens. Je ne pense pas que ce soit par eurostars entiers que les frogs rejoignent Londres. C'est souvent une immigration de courte durée (la serveuse française, ou le vendeur français). En outre il ne faut pas se focaliser sur les diplômés des grandes écoles ou le fantasme d'une City envahie par les Frenchies.
Cependant la situation va changer, parce que la France ne fait plus rêver. On voit maintenant des jeunes diplômés français arriver à Londres, et qui n'ont jamais travaillé dans leur pays, chose qui était rare avant. Il y a fort à parier que les effectifs augmentent car ceux qui sont installés ici vont certainement rester pour une durée elle bel et bien indéterminée. Dommage car la France ne peut pas se payer le luxe de voir partir de "bons" éléments. Au passage, être bon ça ne veut pas dire avoir un diplôme, ça veut dire avoir envie d'apprendre et d'évoluer!
Rédigé par : undeplusundemoins | dimanche 30 avril 2006 à 03:46
On pourra toujours chercher a comparer la france à d'autre pays et le débat derivera toujours sur les même pentes.
Le probleme n'est pas de savoir si l'angleterre a plus de pauvre ou pas. Le probleme est que la france depense une somme enorme pour reduire les inégalités et n'arrive à guère faire mieux (voir pire suivant les critères et preferences de chacun) qu'au UK ou on ne depense presque rien.
Je ne pense pas que Hugue fasse l'apologie du blairisme, l'angleterre a ses problèmes qu'elle tend a résorber ... En france les problèmes croissent comme la dette (cumul de dépense inutile) ....
Rédigé par : benoit | dimanche 30 avril 2006 à 09:10
Benoît, tu ne sens pas une légère contradiction interne dans ton second paragraphe?
Quant à ta sortie sur la dette, "cumul de dépense inutile"...
J'ai beau ne pas être toujours d'accord avec Hugues, ce n'est tout de même pas le café du commerce, ici!
Rédigé par : EL | dimanche 30 avril 2006 à 11:13
"On voit maintenant des jeunes diplômés français arriver à Londres, et qui n'ont jamais travaillé dans leur pays, chose qui était rare avant."
Il ne restera qu'une solution : demander à ceux qui ont profité du système éducatif public français mais qui ne restent pas en France pour travailler de rembourser ce que l'état français a dépensé pour eux. C'est ça aussi le libéralisme : comment accepter que certains profitent de quelque chose qu'ils ne paieront jamais.
Comme me disait un capitaine lors de mon passage "sous les drapeaux" alors que nous discutions de la validité d'un service national obligatoire : "pensez-vous que vous ne devez rien à la France ?"
A posteriori, je pense que je lui dois beaucoup et je ne comprends pas l'ingratitude de certains.
Rédigé par : Oaz | dimanche 30 avril 2006 à 15:15
Intéressant le témoignage, de l'intérieur, de "undeplusundemoins". Je pense qu'il traduit bien la situation au Royaume-Uni, dont le système présente des avantages et des inconvénients (moins de chômage, plus de dynamisme, plus d'attractivité, mais aussi plus de précarité, plus de pauvres, plus de déclassements et moins de résistance aux effets pervers du capitalisme). Ni le paradis qu'Hugues voudrait nous présenter, ni l'enfer que décrivent les anti-libéraux primaires.
Je pense néanmoins que pour des raisons culturelles, ce n'est pas "le" modèle à copier pour la France. Nous devons trouver en nous-mêmes les sources d'amélioration de notre propre système (en particulier les solutions de réduction du chômage) et si nous devons absolument nous inspirer d'exemples étrangers, regardons plutôt du côté de la flex-sécurité scandinave...
Rédigé par : Michel B. | dimanche 30 avril 2006 à 17:24
Bon, je crois qu'on a assez discuté du chômage ici.
Par contre, un des points soulevés par le billet de Hugues ma paraît être passé au-dessus du béret de chacun: celui de la vitesse deréintégration des chômeurs dans le monde du travail et, par incidence, un élément moteur clé d'une société vivante: les capacités d'élévation sociale.
L'interview donnée par ce syndicaliste buveur d'Irish coffee laisse tout de même entendre une différence entre nos voisins Rosbiffs et nous-mêmes: la possibilité de gravir l'échelle sociale n'est pas utopique outre-manche, quand en France elle semble de plus en plus aussi limitée qu'elle ne l'était en Russie sous Brejnev.
Cette imperméabilité française entre les strates sociales me semble être une des causes de l'angoisse exprimée par les Djeunz si terrifiés à l'idée d'être embauchés et susceptibles d'êtres virés.
On dirait que leur perception du travail tourne autour d'un principe aussi binaire que cela: entrer/sortir, excluant la possibilité d'évolution.
N'est-ce pas à celà qu'on reconnaît une société figée?
Et n'est-ce pas aussi là que Hugues , cerné de toutes parts par des fanatiques de stats, voulait nous entraîner?
C'est pourtant un bon sujet.
Rédigé par : leblase | lundi 01 mai 2006 à 13:22
C'est en effet un TRES bon sujet, leblase :
http://ideas.repec.org/p/iep/wpidep/0401.html
http://www.sprc.unsw.edu.au/seminars/jantti.pdf
http://www.suttontrust.com/reports/IntergenerationalMobility.pdf
Des comme ça, on en trouve treize à la douzaine. Toutes les études convergent : la mobilité n'est pas (plus?) là ou l'on croit (en fait, c'est l'allemagne et - comme toujours - les pays nordiques qui semblent s'en sortir le mieux).
Eh oui, à nouveau mauvaise pioche...
Lieu commun suivant?
Rédigé par : EL | lundi 01 mai 2006 à 22:25
Oh oh j'ai mis mon commentaire au mauvais endroit... Je recommence.
Un peu d'eau au moulin de Hugues dans le Monde de ce soir : http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0,50-767402,0.html
Rédigé par : Léon le bourdon | mardi 02 mai 2006 à 23:30
Je n'ai pas tout lu. mais il me semble diagnostiquer chez certains des commentateurs ce goût bien français de l'absolu. Aucun modèle n'est parfait, le modèle anglais à ses faiblesses, le modèle nordique aussi. Mais je crois qu'il y a dans ces pays un certain sens du pragmatisme...tous les problèmes ne pourront pas être résolus en même et l'optimum ne sera peut-être jamais atteint mais vaut mieux avancer à petit pas que pas du tout.
Notre sens, à nous français, de l'universalisme nous empêche de penser l'imperfection puisque nous croyons toujours être la référence de la terre entière. Résultat le refus de toute expérimentation, l'immobilisme, un taux de chomage quasi constant depuis des decennies.
Rédigé par : Tlön | mercredi 03 mai 2006 à 14:40
Lorsqu'on souhaite comparer les niveaux de satisfaction de leurs revenus de citoyens de différents pays, pourquoi ne pas employer l'indice de recours au crédit par les particuliers ?
Cela permet de comparer l'adéquation entre coût d'ambitions de vie probablement comparables entre citoyens de pays de culture proches et revenus, tant du travail ou du capital, de ces mêmes personnes.
à supposer que cette thèse vous agréé :
"selon la Banque de France, les ménages français étaient endettés à hauteur de 740 milliards d'euros en février 2006, soit 12 000 euros par habitant. Nos voisins européens (moyenne Europe des 15) sont beaucoup plus endettés à titre personnel, avec 16 337 euros par habitant. Cependant, si les Français apparaissent plutôt réservés vis-à-vis de l'emprunt, ils rattrapent rapidement ce retard. Ainsi, leurs encours de crédit représentaient environ la moitié de leur revenu disponible (c'est-à-dire ce dont ils disposent une fois payés les impôts et perçues les prestations sociales) en 1998 et 60% en 2004. Cette valeur reste toutefois toujours très en deçà de la moyenne européenne, de 91 %."
Rédigé par : Flaff | jeudi 04 mai 2006 à 07:39
Les Français qui vivent en Angleterre sont des jeunes qui rêvent de réussir et les Anglais qui vivent en France des retraités qui ont réussi.
Les uns cherchent le travail et l'esprit d'entreprise, les autres le soleil et la gastronomie.
Chacun ses points forts.
Rédigé par : Lieucommunsuivant | vendredi 05 mai 2006 à 12:02
Lieu commun,
Ce que vous dites sonne bien. Je ne sais pas si c'est corroboré par les faits, mais ça sonne bien.
A titre indicatif, les mouvements migratoires France --> GB sont plus intenses et plus nombreux que les mouvements migratoires GB --> France.
Certes, le nombre de ressortissants britanniques résidant en France n'a cessé d'augmenter ces dernières années, mais de façon beaucoup moins rapide que l'inverse.
A titre indicatif, le nombre de ressortissants français en GB serait supérieur à 200 000 (estimation basse; certaines estimations doublent ce chiffre, en se basant sur le différentiel entre nombre d'inscrits au consulat et les transits effectifs observés dans les années 90, qui est du simple au double). La présence française en GB a augmenté au moins de 30% en 5 ans. (source : rapport du sénat http://www.senat.fr/commission/eco/Eco000613.html#toc1 et CNRS, université de Caen http://atlas-transmanche.certic.unicaen.fr/commun/lecteur2f/page.php?base=atlas&idpage=174&idlangue=fr)
Les mouvements inverses sont moins spectaculaires. Environ 73500 britanniques résisant en France en France en 2002, avec augmentation de 3,1% de 1999 à 2000, 2,8% de 2000 à 2001 et 5,2% de 2001 à 2002. Je n'ai pas de chiffres plus récents (source : ministère de l'intérieur).
Cette différence peut s'expliquer par la barrière de la langue, mais pas uniquement. A Paris par exemple les anglophones peuvent facilement trouver du travail. Il faut donc aussi s'interroger sur la nature de l'immigration et les raisons qui poussent à l'expatriation.
Si la GB était si teerrible que tout ce que l'on dit, il y aurait des tas de réfugiés économiques britanniques dans nos contrées, même s'ils ne parlaient pas français. Or ce n'est pas le cas, alors que nous sommes à deux pas de chez eux. Donc j'aimerais bien qu'on m'explique pourquoi les français vont vivre en Enfer britannique, tandis que les GB sont moins nombreux à venir en Paradis français.
Rédigé par : coco | vendredi 05 mai 2006 à 12:40
Vu sur le site http://www.actuchomage.org
Durée du travail : 32 heures en Angleterre
La durée moyenne du travail, pour l'ensemble des emplois à temps complet et à temps partiel, est de 32 heures par semaine en Grande Bretagne et de 36,28 heures en France.
Ainsi, les français travaillent quatre heures de plus que les anglais chaque semaine.
La durée moyenne du travail en Angleterre est de 32 heures par semaine pour l'ensemble des personnes actives occupées : salariés (employee), indépendants (self-employed), aides familiaux de l'agriculture ou du commerce et autres personnes.
En valeur ajustée des variations saisonnières, la durée hebdomadaire est en moyenne de 32,1 heures pour l'ensemble des travailleurs britanniques, soit :
37,2 heures pour l'emploi à temps complet,
15,7 heures pour l'emploi à temps partiel.
Une proportion non négligeable des emplois anglais ont une durée inférieure à quinze heures par semaine et même à six heures par semaine. Pour le même coût, vous avez six travailleurs au lieu d'un, ce qui améliore les statistiques de l'emploi et diminue, en apparence, l'importance du chômage.
...
Les laudateurs du libéralisme économique voudraient nous faire croire que l'importance du chômage en France est due à la faible durée du travail dans notre pays. Le discours souvent répandu est aussi de faire croire que l'on ne travaille que 35 heures en France contre beaucoup plus dans les pays qui "réussissent" dans la lutte contre le chômage.
La durée du travail n'est pas de 35 heures par semaine en France mais de 39,0 heures pour le travail à temps complet ou de 36,3 heures en moyenne pour l'ensemble des emplois à temps complet et à temps partiel. En effet, la durée moyenne des emplois à temps partiel est de 23,2 heures et ceux-ci représentent 17,2 % de l'emploi total. Le calcul se fait donc en tenant compte de l'importance relative de chaque type d'emploi.
...
Mais, dirons les libéraux, avec tous ces congés payés et ces jours fériés, les français travaillent moins sur l'année entière que les anglais. Et bien non, la différence est seulement d'une semaine de congés payés et de trois jours fériés en moins en Angleterre, lorsque les jours fériés sont en semaine (ni samedi, ni dimanche).
Sur l'année, pour 45,4 et 47,0 semaines respectivement, la durée moyenne est :
- en France : 36,3 h x 45,4 = 1 648 heures annuelles,
- en Angleterre : 31,7 h x 47 = 1 489,9 heures annuelles, soit 10,6 % de moins.
Pour les seuls emplois à temps plein, vision partielle (partiale) de la réalité, nous avons :
- en France : 39,0 h x 45,4 = 1 770,6 heures annuelles,
- en Angleterre : 37,2 h x 47 = 1 748,4 heures annuelles
...
Plus de précisions à cette adresses :
http://travail-chomage.site.voila.fr/britan/32h.htm
(le texte complet peut être imprimé ... ).
Rédigé par : le butineur | vendredi 30 juin 2006 à 13:38
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Rédigé par : strapon femdom | mercredi 26 septembre 2007 à 12:57