Le terrible processus de « fabiusisation » de Dominique Strauss-Kahn est-il réversible ? Les paris sont ouverts.
Ce qui est sympa, lorsque vous avez un fan club, c’est la qualité de l’accueil que réserveront ses membres à n’importe laquelle de vos vaticinations ― aussi détonante soit-elle. Allant et venant, deux heures durant, sur l’estrade dressée en juin dernier (*) au beau milieu d’un gymnase parisien, Dominique Strauss-Kahn s’était ainsi abandonné à la volupté narcissique que procure une assistance totalement acquise, baissant parfois la garde au point de sortir de son personnage en voie de fabiusisation sans provoquer le moindre haussement de sourcils dans les gradins...
Comprenons-nous bien. Je n’ai rien contre DSK ― au contraire. Et jusqu’à ces derniers mois, il était même le champion en lequel je plaçais mes espoirs de social-démocrate frustré, son passage à Bercy et son livre-manifeste de 2002 m’ayant convaincu de ce qu’il pouvait nous apporter en termes de croissance, de réformes concrètes et de modernisation du discours politique. Mais son évolution stratégique, la tentation absurde du « rassemblement à gauche », l’abandon de la référence au blairisme et à l'expérience scandinave, voire le refus d’évaluer avec pragmatisme le potentiel électoral que représente désormais Ségolène Royal, m’en ont progressivement éloigné.
D’ailleurs, si j’avais fait l’effort d’être présent dans ce gymnase surchauffé du IXe arrondissement, simultanément haut lieu du socialisme et témoin des comportements les plus abjects, c’était autant dans l’espoir d’être regagné à la cause que dans le but d’alimenter mon blog en anecdotes de néo-militant socialiste. Las, je dois avouer en être reparti dans le même état d’esprit qu’à mon arrivée : déterminé à offrir ma voix à la belle du Poitou à l’heure de l’investiture.
Je ne suis pas naïf et je sais qu’une réunion de ce genre vise essentiellement à galvaniser des militants préalablement convaincus, lesquels se chargeront ensuite de répercuter, apostle style, la bonne parole dans leurs cénacles respectifs. Mais l’idée que la conviction de types dans mon genre puisse être emportée dans la foulée semblait avoir été négligée. Car franchement, il ne s’est rien dit d’intéressant ou d’interpellant ce soir là, au-delà d'un baratin convenu sur la générosité ontologique de la gauche, la méchanceté intrinsèque de la droite ou l’impérieuse nécessité de changer les choses « pour le mieux » ; bref, rien qui ne puisse heurter les militants qui, n’ayant pas la mémoire des visages, croyaient assister à un meeting du député du Grand-Quevilly.
Ah si, tout de même ! J'allais oublier de mentionner le passage ayant fourni son titre à cette note, ce qui serait un comble pour quelqu'un qui, comme moi, prétend avoir de la suite dans les idées... Interrogé sur l’incapacité de Chirac à assumer ses promesses de campagne dans l’affaire de la TVA sur la restauration, nos partenaires européens ayant refusé de booster le président auprès de sa clientèle cafetière, DSK s’est souvenu de ses propres succès dans ce domaine. « Les travaux de rénovation des logements de particuliers étaient généralement effectués au noir, a-t-il expliqué en substance, voire pas effectués du tout du fait de leur coût exorbitant ! En passant d’une TVA de 19,6% à un taux de 5,5%, j’ai permis d’accroître l’activité du secteur et j’ai augmenté le produit global de la taxe ! » CQFD.
Ca n’a l’air de rien, cette petite démonstration. Et n’importe quel étudiant de première année de Sciences éco limitant tristement ses lectures au « Spécial Cuba » d'Alternatives économiques est en mesure de concevoir qu’en diminuant le coût d’un service, on renforce son attractivité... Et qu’un grand nombre de contribuables faiblement taxés peut rapporter davantage qu’un petit nombre de contribuables lourdement imposés. Le fameux « trop d’impôt tue l’impôt » de Laffer, quoi ! Pas vraiment de quoi fouetter un « économiste en culotte courte », comme dirait DSK lorsqu’il tente de discréditer plaisamment les compétences de Ségolène hors de la sphère des affaires familiales.
N’importe quel étudiant en première année de Science éco, oui... A moins qu’il ne soit membre du MJS ou de la Ligue, évidemment. Et c’est justement là que se situe le problème : le fan club de Japy reste parfaitement capable d’entendre le discours adulte et raisonnable qui lui était tenu jusqu’à ce que DSK ne se laisse entraîner dans une surenchère à gauche, surenchère fondée sur l’idée que tout ce qui ne nous éloigne pas du terrible libéralisme anglo-saxon doit être condamné.
Le succès de Ségolène, auprès de l’opinion comme auprès des militants socialistes, procède précisément d’une analyse inverse de la situation, la prochaine présidente de la République occupant le terrain qui aurait pu ― qui aurait dû ― être celui du Dominique Strauss-Kahn d’avant (ou plutôt, du Dominique Strauss-Kahn des conversations privées d’aujourd’hui, au cours desquelles il lui arrive de balancer qu’une renationalisation d’EDF n’est peut-être pas, après tout, la priorité des priorité en cas de retour aux affaires).
A l’inverse d'un Fabius, l’ami Dominique n’a pas encore franchi le Rubicon. Et s’il n’hésite pas, lorsque l’occasion lui en est offerte, à jouer les vieux renards éprouvés face à l’inexpérience présumée de son ancienne collègue de bureau, il ne s’est pas autorisé les sorties lamentables d’un Mélenchon ou d’un Emmanuelli sur le thème des concours de beauté et autres corvées de baby-sitting... Il peut donc encore mettre son ambition personnelle dans sa poche et accepter la nouvelle donne avec réalisme, un ticket Ségolène-DSK étant la quasi-assurance d’une victoire du PS, ce qui serait déjà bien, mais également du changement dont la France à besoin.
Président, c'est sûr, ça en jette. Mais Premier ministre, cher Dominique, ce n'est pas mal non plus : on garde son fan club, on peut bricoler la TVA, on peut éclabousser Besancenot sur son vélo en passant dans les flaques d’eau en Vel Satis de fonction... En restant dans l’opposition à la suite d’un combat stérile, fratricide et ringard, en revanche, on doit s’ennuyer ferme.
© Commentaires & vaticinations
(*) Je sais, je sais, trois mois de retard pour une compte-rendu de meeting, c'est un peu beaucoup. Mais j'espérais vaguement ne pas avoir à l'écrire. Quelle erreur...
Juste pour ajouter une hypothese dont on parle peu mais qui est neammoins probable (cette probabilité restant a évaluer ;-) ): l'hypothese d'une cohabitation en 2007. Ce n'est pas farfelu de voir Ségo l'emporter grâce au soutien des extremes, et l'ump l emporter aux legislatives.
Ou l'inverse.
Rédigé par : Anonyme | vendredi 15 septembre 2006 à 20:41
et le dernier meeting de Mitterrand, t'en parles quand ?
Rédigé par : Paxatagore | samedi 16 septembre 2006 à 12:47
Ouaip
Ch'uis d'accord sur le parcours consternant du DSK.
Mais je vote quand même DSK au primaire...
Pourquoi ?
- Je ne pense pas que Ségo ait la moindre chance face à Sarko :
- Pas assez habile (même un blaireau comme Nikonoff l'avait mouché sur son absence de connaissance du TCE et ses cantines scolaires du poiteau-charente qui étaient un rien hiors-sujet.
- Concurrence frontale sur nombres de sujets. Surenchère stérile. Et comme dit l'autre on préfére l'original à la copie.
- Elle a fait le discours d'ouverture des universités d'été d'Attac en 2005 (dans son fief du poitou). Même par pure politesse, pour ne pas injurer l'avenir, c'est, à mes yeux, une ligne rouge.
etc. etc. etc.
Je ne suis pas convaincu par son discours économique (it's the economy, stupid !). Si cela a un sens elle est socialement de droite et économiquement de gauche. Moi c'est l'inverse :-)
Donc Dominique, par defaut.
Rédigé par : Eviv Bulgroz | samedi 16 septembre 2006 à 20:59
DSK et les autres se rallieront à Ségolène si elle est investie. Mais il est quand même normal qu'il tente de faire son trou tant que tout n'est pas perdu.
Rédigé par : Maxon | dimanche 17 septembre 2006 à 19:09
Trop de baisse de la fiscalité tue la baisse de la fiscalité.
Rédigé par : Lao Tseu | dimanche 17 septembre 2006 à 22:10
Et vice-versa
Rédigé par : Confucius | lundi 18 septembre 2006 à 09:24
Je signale comme ça enpassant (je n'ai pas les références sous la main, mais elles sont disponibles avec un peu d'effort), que suite à la baisse considérable des droits de succession en région bruxelloise, l'assiette a tellement augmenté que les recettes ont augmenté elles aussi, et nettement... Bien sûr, la courbe de Laffer n'est pas un beau U inversé, mais ce qui est certain, c'est qu'elle est proche de zéro à ses deux extrémités - that's no rocket science.
Rédigé par : chanteur de charme | lundi 18 septembre 2006 à 11:55
Franchement il a quand meme mille fois plus de contenu que Ségoléne.et il est pas otage, lui, de gauchos type montebourg ou Peillon
Rédigé par : dragon | lundi 18 septembre 2006 à 15:19
Ségo en marionnette et DSK aux manettes serait sans doute un ticket gagnant oui ! Mais la marionnette, une fois élue, amha, ne risque pas de lacher les manettes qu'on lui offre...
Rédigé par : Domi | lundi 18 septembre 2006 à 21:26
Hé, ça marche ton truc. DSK a commencé à se défabiusiser : http://www.libe.fr/actualite/politiques/205276.FR.php?mode=PRINTERFRIENDLY
Rédigé par : Fin stratège | mardi 19 septembre 2006 à 09:43
Je suis assez d'accord avec toi sur la tentive de DSK de revenir sur la gauche du parti et sur la bêtise de cette stratégie.
Mais heureusement, il est revenu à ce qu'il croit et ce qu'il est, la sociale-démocratie.
Par contre, je ne comprends pas ton raisonnement sur Royal. TU dis la soutenir mais elle propose soit des choses en référence au blairisme mais sans en détailler les problèmes, soit des choses pas réalisables. Et franchement, sur le contenu, je la trouve assez pauvre et manquant souvent de réflexion. Elle n'a aucune consistance sur l'Europe et le Monde et sa visite en Italie n'y changera rien, car comme elle dit "Je suis venue pour écouter et pas pour m'exprimer".
Là, je te suis pas vraiment. Au niveau contenu, y'a pas photo, DSK est vraiment meilleur.
Et comme dit l'autre, elle est socialement de droite, ce qui me choque le plus pour qqun qui va représenter le parti.
Enfin bon, on verra bien ...
Rédigé par : Nicolas | vendredi 22 septembre 2006 à 16:15
Ainsi, le seul argument en faveur de DSK serait que ségolène est " socialement de droite " !!! Mieux vaut en rire surtout quand notre mémoire ne flanche pas... Il ne me semble pas qu'à l'occasion de ces différents postes ministériels DSK ait marqué l'opinion par des prises de position très à gauche ! Je ne critique pas ici ces prises de position mais je note simplement que pendant des années, DSK était sans doute à la droite.. du PS.
Rédigé par : stéphane | jeudi 28 septembre 2006 à 17:04
quand il était ministre, dsk a créé 2M d'emplois, réduit le déficit et qualifié la france pour la monnaie unique.
il y a eu bien plus à droite que dsk : Laurent Fabius entre 2000 et 2002.
Rappelez-vous ce que disait Hollande de Fabius le 16 mai 2003 dans Le Monde :
"Son intérêt pour les classes moyennes fait de lui le présidentiable le plus apte à séduire l'électorat centriste" (lol).
Donc moi c'est clair je choisirai DSK, au moins il est clair dans ces choix, pas de zigzag, et je lui fais confiance.
Rédigé par : gérard | vendredi 29 septembre 2006 à 13:43
encore un déferlement de haine anti-dsk...Hugues tu es intelligent mais souvent haineux avec dsk
Rédigé par : miss dominique | dimanche 20 mai 2007 à 01:05
"Ségolène étant, hélas, susceptible d'accorder son pardon aux pécheurs routiers, il est logique qu'elle se montre magnanime à l'égard de DSK. La doctrine fiscale du PS ne s'en portera que mieux"
je crois que c'était le début d'une de tes notes du 12 janvier...Ton opinion sur dsk change-t-elle uniquement en fonction des interets de Ségolène?si oui c'(est triste
Rédigé par : allons enfants | dimanche 20 mai 2007 à 01:10
Xs5DWQ IMHO you've got the right awnser!
Rédigé par : Bobby | mercredi 20 avril 2011 à 08:52