Le weekend dernier, la Grande-Motte accueillait le premier rassemblement majeur de la gauche non-communiste. Une initiative sympathique, mais dont la finalité reste obscure.
Il serait malhonnête de prétendre que je n’avais pas, en débarquant à la Grande-Motte, un certain nombre de préjugés sur les enjeux de la petite fiesta organisée par les amis de François Bayrou. J’avais évidemment suivi, d’assez loin, la transformation d’une coalition hétéroclite de chrétiens-démocrates, libéraux pur jus, nostalgiques du giscardisme et vrais réactionnaires en « mouvement de progrès », mais les choses restaient floues. Et à en juger par les réactions de mes proches à l’annonce de mon départ pour UDF-land, elles ne le restaient pas que pour moi...
Nominalement associés à la majorité, les parlementaires UDF n’avaient pourtant pas hésité à refuser leur confiance au gouvernement dès 2005, ignorant les consignes de Dominique de Villepin et les avertissements de Gilles de Robien. La moitié d’entre eux s’était même autorisée à voter contre le budget 2006, véritable camouflet pour le bellâtre de Matignon. Mais, au final, tout ça n’avait pas grande importance, le non-alignement sporadique tenant plus de la stratégie politicarde que de la déclaration d’indépendance authentique dans la tradition française.
Il serait malhonnête de prétendre, rentré à Paris, que mes préjugés n’ont pas été levés, ces trois jours m’ayant surtout permis de mesurer l’incroyable identité de vues entre un rocardo-blairiste de mon acabit et les militants de la Grande-Motte. Ouverts à l’innovation, antiracistes, pro-européens, plutôt pas mal informés des réalités internationales : il aurait été difficile de se fâcher avec eux. J’avais beau chercher la petite bête, arpenter les allées du VVF du Ponant à la recherche d’un amateur de personnalisme à la Charles Millon qui ne se serait pas rendu compte que les temps avaient changé, j’avais compris, dès le premier jour, que je rentrerais bredouille.
Assistant à une réunion à laquelle participait la poignée d’élus qui forme la garde rapprochée de Bayrou (Hervé Morin, Marielle de Sarnez, l'excellent Jean-Louis Bourlanges...), je devais parfois me retenir d’applaudir et me pincer à intervalles réguliers pour me souvenir que je ne me trouvais pas à La Rochelle mais bien en territoire ennemi. Bon, l’absence d’excités exigeant l’arrêt immédiat des relations diplomatiques avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et Israël était un bon moyen de rester conscient de ce qui distingue les universités d’été de mon propre parti d’une manifestation UDF, mais tout de même... Et pour tout être tout à fait sincère, c’est tout juste si je ne me sentais pas un peu agacé par le manque de créativité de leurs propositions économiques, un jeune militant m’ayant même traité, hum, de « libéral » lors d’une conversation sur le CNE...
Le discours du boss allait d’ailleurs confirmer ce sentiment d’une métamorphose de l’ancien véhicule électoral de VGE en think tank social-démocrate, François Bayrou s’emportant contre ces DSK, ces Kouchner, ces Rocard même, préférant se livrer à toutes les contorsions pour éviter d’avouer qu’ils préféreraient passer leurs vacances avec lui qu’avec Besancenot (bon, à la décharge de Rocard, rappelons qu'il avait quand même accepté un weekend à défaut de vraies vacances...).
Me faisant moi-même régulièrement l’avocat d’une redistribution des cartes à gauche, m’irritant constamment des gages offerts aux trotskistes ou aux communistes non-reconstruits dans la perspective, totalement illusoire, de l’émergence d’un consensus entre réformistes et révolutionnaires, je buvais du petit lait. De fait, la seule grimace apparue sur mon visage (d’après les témoins) pendant ce speech-fleuve concernait GDF, le pourfendeur autoproclamé des idées reçues se montrant incapable de penser cette affaire autrement qu’en termes platement franco-français. Bah, Marielle de Sarnez m’ayant laissé entendre que la religion du parti n’était pas encore complètement faite sur ce point, je garde l’espoir d’influencer le débat dans un sens plus européen ― si Bayrou, par désœuvrement ou curiosité, s’avisait de lire mes propres suggestions...
Encore que, qu’il les lise ou pas n’a pas grande importance, ma conviction étant qu'il ne pourra rester qu’un acteur secondaire, la logique du système interdisant à un outsider de prendre la main. Et d’ailleurs (j’ai décidé d’être franc jusqu’au bout), je ne suis pas loin de me satisfaire d’une telle situation, tenant le bipartisme pour la forme la plus aboutie de représentation démocratique et préférant l'existence de courants aux risques d’émiettement électoral. Séduit par un Bayrou finalement plutôt intéressant, content d’avoir découvert que les jeune UDF, effectivement, desserrent parfois la cravate et défendent des valeurs aussi honorables que les miennes, je reste campé derrière Ségolène, la candidate dont je subodore qu’elle a, elle, une chance raisonnable de décrocher le pompon et de mettre en œuvre ce dont Bayrou ne peut que rêver.
Je m’étais d’ailleurs vanté, sur le ton de la plaisanterie, évidemment, avant mon départ, de convertir les foules grand-mottoises au ségolisme. Mais je crois que ce ne sera pas nécessaire, la suggestion d’un second tour Ségo-Sarko conduisant mes sondés à préférer systématiquement la belle du Poitou au gnome de la place Beauvau. Il n'empêche, c'était bien sympa...
© Commentaires & vaticinations
Note : Je reviendrais plus tard sur le déroulement de l’université d’été proprement-dite. Il faut bien tenir mes nouveaux lecteurs UDF en haleine, non ?
Traître.
Rédigé par : Vinvin | lundi 04 septembre 2006 à 15:18
Tes sondages confirment en tout cas ce que je subodorais : les UDF se sentent plus proches de Royal que de Sarkozy.
Je note que tu le traites de gnôme. Je ne peux qu'emprunter le propos socialiste : les présidentielles, ce n'est pas une affaire de mensurations.
Rédigé par : koz | lundi 04 septembre 2006 à 15:29
Vinvin,
Hé hé, c'est pas un peu l'hôpital qui se fout de la charité... Et de toute façon, ils votent tous PS au deuxième tour alors il s'agit d'un péché véniel, non ?
Koz,
Gnome, ça peut être sympa. Comme korrigan, elfe, farfadet... Heu, non, en fait, c'était pas pour être sympa. J'avoue.
Rédigé par : Hugues | lundi 04 septembre 2006 à 15:31
Content d'apprendre que, selon ton mini-sondage, les militants UDF préfèreront majoritairement Ségo à Sarko au second tour de la présidentielle.
Je demande quand même à voir si le report des voix bayrouistes se fera massivement sur la candidate socialiste. Personnellement, j'en doute. L'électorat UDF, traditionnellement ancré à droite, ne me semble pas avoir, dans son ensemble, la vue aussi large que son champion. Et les négociations pour les législatives pourraient bien pousser de nombreux cadres centristes à retrouver leur penchant droitier (De Robien les attend)...
Rédigé par : Michel B. | lundi 04 septembre 2006 à 17:33
Il me semble, connaissant bien les UDF de l'intérieur, que ce sont surtout les jeunes et les militants récents qui ont des penchants vers le centre gauche.
L'électorat traditionnel de l'UDF, celui issu de la génération de Giscard, reste une réalité, incarnée par de Robien et qui, heureusement - de mon point de vue - va tendre à disparaître.
Rédigé par : Julien | lundi 04 septembre 2006 à 17:44
Aaah, Jean-Louis Bourlanges, quand j'étais à Sciences Po, j'étais AMOUREUSE de Jean-Louis Bourlanges. Il réussit presque à rendre intelligible l'Europe communautaire, c'est dire.
Et dans ton compte-rendu, n'oublies pas de nous parler de mon copain Zemmour, et des sloves que tu as dansé pendant la boum. Canaille va :)
Rédigé par : sasa | lundi 04 septembre 2006 à 18:12
Mon cher Hugues,
en dépit des circonlocutions de ton propos, de l'humour consubstantiel à ta prose fleurie, et de tes déclarations de loyauté à Ségolène, je crains que tu ne sois naturellement victime d'un syndrome aussi répandu que la calvitie parmi les hommes aux approches de la quarantaine: le virage à droite. Ne t'en désole pas, et assume: c'est normal !
Rédigé par : Marc | lundi 04 septembre 2006 à 18:19
Marc,
Pour la calvitie, ok. Pour le reste, quelle drôle d'idée...
Rédigé par : Hugues | lundi 04 septembre 2006 à 18:40
Alors, à quand la scission sociaux-démocrates / neocom (ouais, comme néo conservateurs aux US, on a nos néo communistes), et la fusion avec l'UDF pour un vrai parti social démocrate ? On peut réver, les calculs électoraux empecheront toujours cela.
Rédigé par : Matthieu | lundi 04 septembre 2006 à 18:59
Même si je doute d'un report massif des voix UDF sur votre belle, je rends hommage à votre honnêteté.
Rédigé par : sylvie | lundi 04 septembre 2006 à 19:49
UN COUPLE IDYLLIQUE ET LA GUERRE DES ELEPHANTS OU L'HISTOIRE D'UNE SRATEGIE COLLECTIVE....
Lorsque Nick (Nick = surnom donné par Christine Bravo) Sarkozy fait son show avec Johnny et Dick Gynéco (Dick = surnom donné par Mr Gaudin, maire de Marseille), n'est-ce pas pour occuper la scène politique et médiatique?
Et si la division du Parti Socialiste n'était qu'apparente avec ses nombreux candidats à l'investiture? Nous pouvons imaginer qu'il s'agit d'une stratégie collective déployée pour occuper le terrain et ne pas laisser le champ libre au candidat de l'UMP.
Il faut faire parler de soi!
Madame Alliot-Marie et l'UMP semblent ainsi l'avoir compris. Ne disait-elle pas hier, qu'elle n'excluait pas d'être candidate à l'élection présidentielle même si Nicolas Sarkozy était désigné candidat officiel de l'UMP? La présence de Lionel Jospin à l'université d'été du PS est peut-être du même ordre...
Tout cela tourne au feuilleton à suspense, il faut tenir les électeurs en attente. Il faut faire parler de soi, quitte à oublier les débats de fond et les problèmes des Français.
Rédigé par : vincedu35 | lundi 04 septembre 2006 à 20:06
"la belle du Poitou
le gnome de la place Beauveau"
moi qui croyais que la gauche était anti-discriminations...
sur le fond, je me demande bien en quoi les électeurs UDF seraient plus proches de Ségolène Royal que de Nicolas Sarkozy.
Un militant UDF ne se reconnait ni dans le discours franco-français conservateur de Sarkozy, ni dans le discours d'assistanat de Royal.
J'aimerais que vous nous expliquiez mieux ses récentes déclarations sur ses nouvelles propositions: un 2e enseignant en classe, ou son école des parents. Si vous arrivez à nous persuader sur l'utilité de telles mesures démago, je veux bien prendre ma carte au PS!
Un sympatisant UDF
Rédigé par : undeplusundemoins | lundi 04 septembre 2006 à 21:23
Mon cher Hugues,
Bravo pour ton courage et ton audace d'avoir partagé ces moments avec notre famille politique.
Bravo et merci pour tes prcécieux conseils de blogueur averti.
Je partage l'avis de F.BAYROU qui souhaite construire un pays avec des femmes et des hommes de toute sensibilité aux qualités reconnues.
Ta présence et ton témoignage démontrent que cette ouverture peut et doit fonctionner.
A très bientôt.
Alain LEVY
Rédigé par : LEVY Alain | lundi 04 septembre 2006 à 21:51
Raté, Hugues: bien que ton texte, une fois de plus, soit à l'évidence une provocation, il ne me met pas du tout en colère. Le noniste archéo-gauchiste que je suis a même une nette tendance à préférer Bayrou (qui donne le sentiment d'être en accord avec lui-même) à Ségolène (qui donne l'impression d'être prête à dire n'importe quoi, surtout du vent, pour ramasser un maximum d'électeurs). Mais je t'ai déjà prévenu: le jour où tu auras réussi à me convaincre que les idées de Bayrou et celles des socialistes lucides sont les mêmes, ben c'est pour Bayrou que je voterai et pas pour les faux culs qui essaient de faire croire qu'ils sont de gauche...
Puissions-nous nous retrouver au second tour!
Rédigé par : Poil de lama | mardi 05 septembre 2006 à 01:16
Un deuxième cas de syndrome de Stockholm ?
Rédigé par : Tlön | mardi 05 septembre 2006 à 06:52
un rapprochement UDF PS au second tour ? Pourquoi pas si cela se fait sur un programme commun de gouvernement mais allons plus loin un rapprochement de toutes celles et tous ceux qui, où qu'ils soient aujourdh'hui, puissent se retrouver derrière la bannière sociale-démocrate et démocrate-chrétienne...
A une époque on disait de Delors à Balladur ...
Rédigé par : rudy | mardi 05 septembre 2006 à 11:17
et quand est-il des questions "morales"? Mariage homo par exemple... Ont-elles ete abordees pendant l'Universite?
Rédigé par : Citrouille | mardi 05 septembre 2006 à 14:59
La gauche est tellement plus fréquentable quand elle est de droite…
Merci pour l'éclat de rire.
Rédigé par : Cobab | mercredi 06 septembre 2006 à 15:39
UDF et socialiste ensembles ne semble pas être totalement utopiste dans la tête de certains cadres de l'UDF : Hervé Morin, président du groupe UDF à l'assemblée, expliquait en apparté d'une formation sur le déroulement d'une campagne que selon le résultat du 1er tour de la présidentiel, selon qu'un contrat de gouvernement était passé avec l'une ou l'autre formation, il y aurait des désistements aux premier tour des législatives pour ne pas qu'il y ait de primaires face à certaines personalités du partenaire signataire du contrat. Il a illustré son propos avec un exemple du PS.
Clairement, ce type de sous entendu n'est pas dans la culture de l'UDF, on assiste à une évolution : Bayrou tire son parti vers le centre, et si certains cadres ont du mal (ils étaient à droite il y a encore 4 ans) les militants eux suivent. La question est effectivement, les électeurs suivront-ils ?
Rédigé par : CedricA | jeudi 07 septembre 2006 à 04:33
Tu m'excusera de faire de la pub (tu vires si tu veux), je voulais repondre a Citrouille. Tous les documents sont disponibles a
http://jeunes.udf.org/action/motions.php
et c'est la "contribution au projet politique de l'UDF"
tu y trouvera la position officielle des jeunes UDF (l'UDF se prononce un peu plus tard, attends le projet) sur le mariage homo, c'est oui et non. En fait c'est oui pour une union qui est un mariage et qui ne s'appelle pas mariage (mais qui n'est pas un PACS non plus, c'est explique dans le texte). Complique ou subtil, tu choisis. Tu trouveras aussi sur le site le mail du mec responsable (modernisation de la societe) et tu peux lui donner ton avis.
Rédigé par : MrFred | mercredi 13 septembre 2006 à 16:06