Le premier pape juif depuis Pierre, ça aurait eu de l'allure... La concomitance de la mort de Jean-Marie Lustiger et du retour du « juif perfide » dans la liturgie catholique, en revanche, est moins enthousiasmante.
Jean-Marie Lustiger est mort dimanche, et avec lui la possibilité de voir s'assoir, une fois encore, un juif sur le trône papal. D’autres occasions se présenteront sans doute mais, depuis Pierre, elles n’ont pas été si fréquentes. De surcroît, l'arrivée d’un homme aussi intimement concerné par l’aboutissement de deux mille ans d’antijudaïsme à la tête de l’église catholique aurait pris un sens tout particulier — sens que n’aura pas la désignation éventuelle d’un converti confortable des siècles à venir.
Né Aaron Lustiger en 1926, l’ancien archevêque de Paris a vu disparaître la quasi-totalité de sa famille dans les camps nazis. Une tragédie d’ailleurs sans lien direct avec sa conversion, antérieure de deux ans à la déportation vers Auschwitz de sa propre mère. Je n’ai pas grand-chose à dire de ses motivations sur ce point : il évoquait volontiers une « révélation » et je ne vois guère comment aborder un événement pareil sans sombrer, en toute incompétence, dans l’analyse d'une pathologie ou la description d'une crise mystique. Etre juif ou catholique, dès lors qu’il s’agit de croire en un Dieu tout-puissant créateur de toutes choses, n’est pas antinomique et passer d’une foi à l’autre ne me semble pas un obstacle si grand qu’il ne puisse être surmonté (une fois ces broutilles sur la nature divine du Christ évacuées, évidemment)...
Ce qui m’intéresse davantage, c’est plutôt la manière dont, toute sa vie durant, Lustiger a choisi de s’auto-désigner comme « juif chrétien », ne présentant jamais sa conversion comme une rupture mais bien comme une nouvelle étape de son parcours religieux. Ce n’est pas anodin. Le projet d’une conversion de tous les juifs comme préalable au retour du Christ sur Terre est une vieille lune. Et Jésus lui-même aurait exprimé l’idée qu’il n’y ait plus « ni juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre » dans la nouvelle alliance. Jean-Marie Lustiger, pour sa part, a préféré jouer les ponts, les truchements, entre deux religions sœurs, voire mère et fille, à la manière des Nazaréens d’hier ou des farfelus syncrétiques des « Juifs pour Jésus » d’aujourd’hui. Il l’a fait en tenant compte du rôle déterminant de l’église de Rome dans la fabrication du juif comme déicide ; dans l’élaboration du statut d’exception ayant donné naissance à la caricature du juif âpre au gain et sournois ; dans la propagation des clichés négatifs dont la Shoah fut le climax logique...
L’idée qu’il ait été régulièrement présenté comme papabile, soit comme potentiellement éligible à la fonction suprême dans la hiérarchie catholique, est donc intrigante — du point de vue du clergé comme de celui de l’intéressé. Le christianisme est issu du judaïsme, OK. Jésus lui-même était un rabbin remarquable, OK. Mais l’arrivée d’un Nazaréen à Rome aurait été l’occasion d’un bouleversement théologique bien plus surprenant que les aménagements « à la marge » de Vatican II en matière de relations entre juifs et catholiques.
L’ancien aumônier de la Sorbonne n’a pourtant pas eu ce destin et sa disparition au moment même où la « perfidie » des juifs, voire « le voile qui couvre leur cœur » font leur grand retour dans la liturgie officielle risque de faire regretter cette occasion manquée.
© Commentaires & vaticinations
Le retour de cette liturgie réac ne parle plus de "juifs perfides" mais demande à ce que le "voile" qu'il ont devant les yeux se léve...bon c'est moins inamical.
le passage juif-chrétien est celui qui est revendiqué par Paul, à savoir que le christianisme est en quelque sorte la "suite" du judaisme tout comme le Coran est en quelque sorte la suite et la correction de la bible (une bible 2.0)
Rédigé par : romain | lundi 06 août 2007 à 15:30
Je ne suis pas un fidèle du rite Saint Pie V (celui que suivent, donc, traditionnalistes et intégristes) mais les récents débats m'ont tout de même permis d'apprendre que l'expression de "juifs perfides" n'est qu'une traduction littérale et semble-t-il foireuse de la formule latine (la seule utilisée, donc, puisque la messe est en latin) et qui n'a pas le sens que le mot français "perfide" lui donne. On voit bien que "perfidis" se rapporte à la foi (fides). Pas des salauds de juifs. Mais des juifs qui n'ont pas la "vraie foi" pour la conversion desquelles les fidèles sont donc appelés à prier, ce qui ne me semble pas en soi spécialement injurieux : si vous êtes convaincus de votre foi, c'est même plutôt charitable de souhaiter que les autres l'embrassent.
Bon, ceci étant dit,
(i) je ne cherche pas à nier que l'Eglise ait mis bien trop de temps à clarifier un certain nombre de points dans notre rapport à nos frère juifs;
(ii) dans 99% des paroisses catholiques de par le monde entier, cette formule n'est pas employée et ne le sera pas. Certes, la formule fait son retour du fait de l'admission du rite de Saint Pie V comme "rite extraordinaire", mais il est un peu extensif de dire qu'elle fait son retour dans la liturgie officielle.
Rédigé par : koz | lundi 06 août 2007 à 15:58
Ah tiens, pour plus d'infos, j'ai trouvé ce lien sur zenit.org, agence de presse catho : http://www.zenit.org/article-15791?l=french
Rédigé par : koz | lundi 06 août 2007 à 16:01
Quelques approximations dans ce billet, il me semble :
-"oremus pro judaeis perfidis", qui figurait dans la messe du Vendredi Saint, ne fait plus partie de la liturgie catholique, pas plus depuis l'adoption récente du fameux motu proprio que l'année dernière. De plus, comme le signale koz, beaucoup de personnes plus compétentes que moi en latin chrétien, affirment que 'perfidus' y signifie 'qui a perdu la foi' et non 'perfide', qui est le sens de 'perfidus' en latin classique.
-"antijudaïsme chrétien" : l'idée n'est pas absurde mais pas non plus si évidente. En particulier, les catholiques espèrent et prient évidemment pour la conversion des non-chrétiens. Qu'il y ait eu longtemps une prière spéciale à l'attention des juifs ne me paraît en particulier pas spécialement "antijudaïque".
_« ni juif, ni grec, ni esclave, ni homme libre » : ce n'est pas le Christ qui a ces mots, c'est Saint Paul, un autre Juif chrétien soit dit en passant, et pas des moindres. Et cette expression reflète un débat immense dans les premières communautés chrétiennes : devait-il y avoir deux christianismes ? un pour les Juifs, qui garderaient les rites de la Première Alliance, notamment la circoncision, en plus des commandements de la Seconde et un autre christianisme pour les Grecs ? Ou les Grecs chrétiens devaient-ils faire circonsire leurs enfants désormais ? Le débat a été tranché comme on le sait, faisant réellement du christianisme une religion indépendante du judaïsme et non une branche d'icelui.
-Jean-Marie Lustiger n'a jamais été sérieusement papabile. Tous les vaticanistes en attestent. Seulement, cette rumeur qui a couru l'Internet et dopé la côte du Cardinal de Paris sur les sites de paris en ligne à la mort de Jean-Paul II vient de la prophétie de Saint Malachie, qui, à propos du pape actuel, émet la devise "De gloria olivae", "A propos de la gloire de l'olive", ce qui justement avait laissé penser aux commentateurs que, l'olive étant un des attributs d'Israël, un pape d'origine juive serait élu sur le trône de Pierre. L'avenir a montré que ça ne serait pas pour cette fois-ci, et, si vous voulez mon avis, les prophéties de Malachie sont des faux relativement grossiers.
_ Jean-Marie Lustiger est né Juif, il est mort Juif, mais il n'était plus juif. Cette subtilité des majuscules est assez couramment admise (lire le Larousse suffira) et elle me semble amener un peu de clarté.
Jean-Marie Lustiger prie pour nous là où il est, prions pour lui.
Rédigé par : François X | lundi 06 août 2007 à 17:30
Deux ajouts aux commentaires de Koz et François X.
1) La prière pour les juifs dans le rite de Pi V ne tombe que le vendredi saint, or le motu proprio stipule expressement que pour le triduum pascal, on devra suivre le missel de Paul VI (du moins pour les célébrations publiques; le prêtre qui fait sa messe en privée pourra le faire mais à Pâques, c'est quasi toujours publique).
2) Lustiger n'a jamais été sérieusement papabile, non parce qu'il était Juif mais parce qu'il était trop "français". On ne l'appréciait pas trop à la Curie, par exemple ils n'ont jamais digéré l'imposition d'André Vingt-Trois à la succession (le fait qu'il tarde à être créé cardinal est très révélateur).
Rédigé par : Etienne | lundi 06 août 2007 à 17:41
Romain, Koz,
Ok, no problemo, les juifs devraient donc se réjouir des prières de leurs frères catholiques les enjoignant généreusement à disparaître en tant que juifs...
Mais la question de la conversion des juifs est malheureusement un peu plus complexe et moins fraternelle que ça dans l'histoire du catholicisme. Et si je ne confonds évidemment pas l'église contemporaine et celle de l'Inquisition ou même de la seconde guerre mondiale, l'idée du "juif perfide" ne se résume pas à une question de traduction malhabile (lire le très bon texte d'Henri Tincq dans Le Monde sur 1492 http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=999839 )
Le retour de la messe en latin et de certaines formules "malheureuses" est bel et bien lié à un souhait de donner des gages à une frange extrémiste de l'église, curieusement plus active en France qu'ailleurs ( http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2307923&rubId=4078 ).
Les réactions négatives de nombreux ecclésiastiques, ou de simples catholiques, sont-elles toutes sans objet ? http://www.latribune.fr/info/Un-eveque-italien-deplore-le-decret-papal-sur-la-messe-en-latin-099-~-PAPE-MESSE-20070708TXT-$Db=News/News.nsf-$Channel=Monde
Entre l’idée d’une reconnaissance de religions sœurs mais distinctes (la position de Jean-Paul II) et le retour à un discours que l’on croyait réservé aux fondamentalistes du sud des Etats-Unis, il y a un fossé énorme : http://www.imb.org/main/news/details.asp?LanguageID=1709&StoryID=406
D'ailleurs, je me demande comment la relation entre Lustiger et Ratzinger aurait évolué...
François X,
Quelques approximations ? Hum, tu vois que je ne suis pas encore totalement acquis à la cause, donc. Mais je ne tombe tout de même pas dans le délire le plus iconoclaste (ha !) en considérant que le refus des juifs de reconnaître le Christ est à la base de l’antijudaïsme, puis de l’antisémitisme moderne, dans les sociétés chrétiennes. Sauf à considérer qu’ils sont responsables de l’ostracisme dont ils ont souffert, évidemment.
Sur les majuscules au mot juif, j’ai l’habitude de ne pas en mettre, n’en déplaise à monsieur Larousse qui n’est pas mon directeur de conscience. La subtilité à laquelle tu te réfères ne me convainc pas mais je dirais que Lustiger est mort "juif" (avec un petit "j"), de son propre point de vue.
Etienne,
Je ne sais pas s’il était sérieusement ou pas papabile. Je sais seulement que la rumeur a couru des années durant, qu’il était proche de Jean-Paul II et que ce qui se passe à la Curie m’est finalement assez étranger. Pas à toi ?
Rédigé par : Hugues | lundi 06 août 2007 à 17:59
Le récent motu proprio de Benoît XVI a en effet réhabilité le missel préconciliaire en tant que liturgie extraordinaire. La "messe en latin", comme on dit, n'a plus besoin de permission spéciale pour être célébrée. Mais la fameuse formule "oremus pro judaeis perfidis", dont Henri Tincq nous abreuve à longueur d'articles (en oubliant généralement le "oremus pro", tiens, comme c'est bizzarre)a été abolie AVANT le Concile. Evidemment, c'était dans un esprit de conciliation, à la suite du massacre des Juifs de la Seconde guerre. La formule litigieuse n'a donc nullement été réhabilitée par Benoît XVI.
A propos de la majuscule, cela évite quand même bien des confusions. Par exemple, Hitler voulait éradiquer les Juifs, en tant que peuple. Les lois les frappant étaient des lois raciales. Les Juifs ayant rompu avec la synagogue, parfois depuis plusieurs générations, n'ont eu droit à aucun traitement de faveur. En revanche, il y a des cas d'Allemands de souche, convertis au judaïsme, et ceux-là ont été épargnés.
A part ça, si Henri Tincq a l'habitude de déverser sa bile sur les dogmes catholiques (en tant qu'ils sont des dogmes, justement), et même si, au nom de la tolérance, rien ne réjouirait plus ce monsieur que de voir les catholiques devenir des protestants, il faut avouer que l'article cité est bien.
Bien à vous,
Rédigé par : François X | lundi 06 août 2007 à 19:05
@ Hugues: Une bonne partie des cardinaux travaillent en permanence à la Curie, et les titulaires d'un évêché viennent souvent à Rome (formellement, on peut dire que tout cardinal pouvant voter doit travailler dans un dicastère. Ainsi, l'archevêque de Bordeaux travaille à la congrégation pour le rite). Donc si on veut connaître les papabiles, il faut sonder du côté de la curie (pas toujours heureusement, cf Wojtyla qui était relativement inconnu des "bureaucrates"). ainsi, quelques mois avant la mort de Jean-Paul II, on citait déjà au Vatican le nom de Ratzinger.
Quant à la rumeur, c'était plutôt un fantasme de journalistes (un juif sur le trône de Saint-Pierre, quel beau titre!), pas des vaticanistes ceci dit.
Sinon pour changer de sujet, l'article de Tincq n'est pas, à mon avis, très bon. Il passe trop rapidement sur la spécificité de l'Inquisition espagnole. En effet, si dans les autres pays, l'Inquisition était sous le contrôle plus ou moins direct de la papauté, les Rois Catholiques ont obtenu la tutelle directe et quasi exclusive, ce qui est tout à fait unique. Plus généralement, par bien des aspects le cas espagnol était vraiment une composante singulière de la chrétienté mais ce serait trop long ici.
Rédigé par : Etienne | lundi 06 août 2007 à 19:13
@ François: La mention "perfidis" a été supprimée avant le Concile mais la prière pour la conversion du peuple juif a été elle supprimée par Paul VI lors de la refonte du missel. Faudra que je vérifie ça...
Rédigé par : Etienne | lundi 06 août 2007 à 19:15
Oui, Etienne, je serais intéressé d'avoir des précisions, peut-être mes connaissances sont-elles un peu légères sur ce sujet et je serais ravi que tu m'éclaires, et les autres lecteurs par la même occasion. Merci d'avance.
Rédigé par : François X | lundi 06 août 2007 à 19:30
Techniquement, hors broutilles sur la nature du christ, tout catho qui se respecte est juif, le divorce entre chrétienté et judaïsme ayant plus à voir avec les querelles de pouvoir de l'empire romain tardif qu'avec de subtiles considérations théologico-liturgiques.
Néanmoins, le coup de la messe en Latin est tout à fait intéressant: l'avantage du Latin, c'est que personne ne le comprenant, les rituels catholiques deviennent des cérémonies occultes où le fidèle ne sait pas ce que le prêtre raconte tout en disant amen (un grand pas en avant pour l'homme de foi, qui à mon avis trahi la lourde tendance à un élitisme en contradiction avec les évangiles des factions les plus tradis du clergé catho) avec en bonus la possibilité de sortir des traductions foireuses du texte en profitant de la faible maîtrise de la langue originale pour ne pas être contredit, ce qui est très très pratique, surtout quand on est un intégriste, c'est à dire un politicien véreux déguisé en curé qui se cache derrière les textes sacrés pour justifier son envie de régenter la vie de ses semblables.
Rédigé par : Laurent Weppe | lundi 06 août 2007 à 19:41
François a raison: http://news.catholique.org/15308-de-la-priere-pour-le-peuple-juif-le-vendredi
Il y a bien eu deux modifications de la prière pour les juifs mais Jean XXIII avait déjà fait l'essentiel dès Pâques qui suivit son élection, et donc avant le Concile.
Rédigé par : Etienne | lundi 06 août 2007 à 19:42
Merci Etienne, ce lien clarifie pour moi bien des choses qui étaient un peu floues.
Rédigé par : François X | lundi 06 août 2007 à 20:04
Pour Etienne et Hugues,
Vous soulignez la différence théologique essentielle entre juifs et chrétiens : la nature du Christ.
Mais historiquement, cela ne s'est pas passé comme ça, ce n'est pas ce point-là qui a fait que les chrétiens ont cessé d'être juifs. La phrase que cite Hugues est en revanche essenttielle (du point de vue historique, je répète, pas théologique) :
Et Jésus lui-même aurait exprimé l’idée qu’il n’y ait plus « ni juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre » dans la nouvelle alliance.
Justement, d'après les Evangiles, Jésus ne dit rien de tel. C'est à dire que les juifs qui le suivent, les Apôtres, a fortiori les foules qui écoutent sa prédication, ne se posent même pas la question de savoir s'ils sont juifs ou non. Ils le sont, ça ne fait pas débat.
Mais le débat naîtra lorsque des non-juifs (que Paul regroupe sous le nom générique de 'Grecs') se joignent aux premiers disciples. Deviennent-ils juifs ? Ou y aurait-il deux sortes de croyants, les Juifs et les Grecs ?
C'est Paul qui tranchera la question. Paul est un Juif, de la tribu de Benjamin, fier de son ascendence (aujourd'hui on dirait fier de sa "judéité"), et précisément celui qui a parcouru l'Asie Mineure et la Grèce en prêchant.
Or il tranche le débat en disant "il n'y a plus ni juifs, ni Grecs". Jusque là, ceux qu'on n'appelait pas encore les chrétiens étaient des juifs hétérodoxes, mais en tranchant dans ce sens, c'est un point fondamental de la tradition juive que Paul récuse : la notion de peuple élu. Et c'est à partir de ce moment où ces Juifs ne reconnaissent plus la primauté du peuple auquel ils appartiennent, son lien particulier avec le Créateur, qu'on peut considérer que le christianisme n'est plus une branche du judaïsme. Et à partir de ce moment que ces fidèles peuvent sérieusement être appelés des chrétiens.
Rédigé par : François X | lundi 06 août 2007 à 20:20
Juste par curiosité, Hugues: qu'est-ce que tu as à battre de toutes ces conne... euh, de toutes ces discussions doctrinales? Tu es aussi juif que moi je suis catho, c'est-à-dire que c'est ta culture mais pas tes convictions. Perso moi-je, qu'il y ait à la tête de la religion de mes ancêtres un pape polonais, allemand ou moldovalaque, j'en ai strictement rien à secouer. Qu'il y ait à la tête d'une religion qui n'est ni la tienne ni celle de tes ancêtres un type ayant la religion de tes ancêtres... ça t'apporterait quoi? (peut-être le même genre de satisfaction que quand on nous dit que Tony Parker est l'idole des jeunes aux States... mais perso moi-je, de ça aussi je me fous complètement)?
Ce n'est pas une question polémique. Just curious.
Rédigé par : Poil de lama | mardi 07 août 2007 à 00:08
François X,
Je ne discute pas vraiment du contenu de la messe en latin mais de la force symbolique du retour d’une pratique permettant de ramener des illuminés d’extrême droite dans l’église. Je veux bien qu’il soit toujours plus gratifiant d’aller chercher la brebis égarée que de s’occuper du troupeau tout entier, je veux bien croire aux vertus pragmatiques de la triangulation sarkozyste à l’égard du FN, mais je vois mal en quoi gratter le dos de gens aussi peu que recommandables que, disons, Richard Williamson, est à porter au crédit du nouveau pape appelé araignée : http://en.wikipedia.org/wiki/Richard_Williamson
Sur la question de la majuscule, faut-il abandonner à Hitler le soin de dire qui est juif et qui est Juif ? Permets-moi de ne pas souscrire.
Et enfin, quel est ton problème avec Henri Tincq ?
Etienne,
Je voulais dire : as-tu toi-même tes entrées à la Curie ? Je ne sais pas si l’on parlait déjà de celui-ci ou de celui-là à tel ou tel moment en petit comité, mais je me fonde simplement sur ce qu’il m’était permis d’entendre.
Laurent Weppe,
L’utilisation du latin a cette fonction, oui, mais le judaïsme peut se voir opposer la même critique. Les offices sont conduits en hébreu et les gens ne comprennent généralement pas ce qu’ils ânonnent. Dans de nombreux cas, ils ne déchiffrent même pas les caractères hébraïques et utilisent des antisèches en phonétique.
Poil de lama,
Allons-donc, tu ne me feras pas croire que tu n’es pas capable de comprendre pourquoi l’on s’intéresse à une question de nature historique, culturelle, philosophique et, pourquoi pas, métaphysique ? Grâce à Dieu (ha ha ha !), je suis parfois en mesure de décrocher des vacances américaines de notre hyper-président pour me pencher sur d’autres enjeux... Heureusement pour ce blog, d'ailleurs.
Rédigé par : Hugues | mardi 07 août 2007 à 10:25
J'en avais: un très bon ami qui travaillait au palais Farnese dans la section politique parfois en liaison avec l'ambassade de France auprès du Saint-Siège, mais plus maintenant depuis qu'il est entré chez les dominicains.
Rédigé par : Etienne | mardi 07 août 2007 à 11:45
Ce que tu me réponds, Hugues, me fait penser à ce que disait le Grand Rabbin d'israël à propos de Lustiger en 95 :
« Aaron Lustiger, devenu Jean-Marie Lustiger, a trahi son peuple et sa religion. Il représente la voie de l’extermination spirituelle qui conduit, comme l’extermination physique, à la solution finale de la question juive. »
Pour mettre les choses au clair : (i) je ne suis pas tradi et ne prie donc pas pour la conversion des juifs, (ii) que ceux qui sont sincèrement convaincus de leur foi prient pour que d'autres la partagent ne me parait pas, en soi, scandaleux. On peut même penser que c'est assez lié à la proximité particulière qui existe (ou devrait exister) entre les chrétiens et les juifs. Je ne vois pas en quoi cela fait de ceux qui le font des personnes qui poursuivent comme but ultime la disparition des juifs en tant que juifs.
Que les juifs prient pour la conversion des catholiques ne me défriserait pas spécialement.
Que cette prière figure dans un rite qui a notamment les faveurs d'un certain nombre de fachos est probablement en partie révélateur, mais c'est accessoire.
En tout état de cause, le fait est que non, la formule "juifs perfides" ne figurera de toutes façons pas dans le rite extraordinaire que suivront certains et qui, de toutes façons, restera très probablement minoritaire.
Rédigé par : koz | mardi 07 août 2007 à 16:09
Koz,
C'est vraiment n'importe quoi. Je suis en train de dire que Lustiger a justement insisté sur l'idée qu'il était à la fois juif et catholique et tu me parles de ce que lui a reproché le grand rabbin d'Israël il y a 72 ans.
Il ne faut pas tout mélanger, la question de la démarche personnelle et intime de Lustiger d'une part, et la vision de certains chrétiens (catholiques ou protestants, généralement fondamentalistes) qui considèrent qu'il est indispensable de convertir tous les juifs pour permettre le retour du Messie d'autre part.
Je ne crains pas, personnellement, la terrible puissance de leurs prières, mais la question est de faire la part des choses entre le souhait généreux bien que condescendant des chrétiens mainstream ("Frères juifs, vous êtes dans l'erreur, venez donc découvrir la lumière") et la mission prosélyte et militante des baptistes ou des intégristes ("Bon sang les juifs, vous allez nous faire chier longtemps avec vos vieilles histoires ? Reconnaissez le Christ, abandonnez vos simagrées antédiluviennes et qu'on n'en parle plus !"). Tu vois la différence ?
D'autre part, je ne vois pas pourquoi, puisque tu ne te sens pas visé (et pour cause : tu ne l'es pas), tu te crois obligé de défendre le point de vue de ceux qui le sont.
(Et en plus ton site ne marche plus et je t'assure que je n'ai absolument pas prié pour que ça arrive)
Rédigé par : Hugues | mardi 07 août 2007 à 16:40
Hugues,
Je fais allusion à ce que tu m'as répondu plus haut : "Ok, no problemo, les juifs devraient donc se réjouir des prières de leurs frères catholiques les enjoignant généreusement à disparaître en tant que juifs". Ce n'est évidemment pas le décalque de ce qu'a dit le Grand Rabbin à propos de Lustiger il y a 12 ans, mais c'est pas très éloigné.
Ensuite, je ne défends pas spécialement ceux de mes coreligionnaires qui ont une conception maladive de leur rapport avec les juifs. Il me semble en revanche nécessaire d'être au clair avec l'initiative de Benoît XVI, ne voyant pas en la survenance des deux évènements un choc spatio-temporel particulier.
D'une part, la mention des "juifs perfides" n'est aucunement de retour, ni dans le rite ordinaire, ni (et contrairement à ce que j'ai pu croire) dans le rite extraordinaire. D'autre part, la prière pour la conversion des juifs était déjà un pas dans le bon sens.
Pour connaître deux-trois tradis (et peut-être même un intégriste), je ne crois pas qu'ils pensent nécessaire que tous les juifs se convertissent pour que le Messie puisse revenir.
Cela étant, tu as un peu raison, j'en viendrais presqu'à défendre une formule que je n'emploie pas. Simplement, la façon dont tu rapproches les évènements laisse penser qu'il y aurait pratiquement une inflexion antisémité (ou antijudaïque) dans l'Eglise aujourd'hui, ce qui me parait un peu hors de propos. La main tendue par Benoît XVI ne répond aucunement à une quelconque indulgence envers les possibles dérives politiques de certains membres d'une frange des chrétiens.
Rédigé par : koz | mardi 07 août 2007 à 17:55
la formulation de conversion de la liturgie modifiée sur le fait de vouloir convertir les juifs n'est pas sympa sur les personnes de conversion israelite c'est sur puisqu'elle évoque le fait que les juifs n'ont pas compris Jésus.Mais elle est logique pour une église chretienne puisque cette confession défend Jésus Christ et dit qu'il a été incompris à son époque et que le christianisme, tout comme l'Islam a une vocation de conversion.
Rédigé par : romain blachier | mardi 07 août 2007 à 18:30
Sur les juifs perfides, la mention a été retirée en 1959 par Jean XXIII, or les plus intégristes des intégristes utilisent le missel de 1962...
A noter, comme le dit Koz, que la traduction prête à confusion.
En tant que tradi ou intégriste, comme vous voulez, je pense que les juifs se convertiront avant la fin des temps, comme le disent les Ecritures, mais en aucun cas, je n'imagine qu'il faille faire du prosélytisme, ce que je ne constate pas vraiment chez les tradis (il y a suffisamment de boulot à faire dans l'Eglise...). Par ailleurs, rien de plus normal, pour une religion donnée, que de prier pour tous ceux qui n'ont pas la chance de partager cette religion. En outre, vous oubliez que les juifs sont nos "grands frères" selon le mot de JP2.
@ Laurent Weppe:
N'appliquez pas vos schémas de pensée sur les tradis. J'ai eu l'occasion d'assister à la messe en latin de mon enfance à Hong Kong, je vous garantis que l'universalisme du latin dans l'Eglise n'est pas à prouver. La langue permet de clarifier, d'imposer une même signification à toute la planète, et à chacun de se reconnaître dans l'office quelque soit le pays où il se trouve.
Et non, les spécailistes du latin, contrairement à ce que vous dites, ce n'est pas cela qui manque...
Quant à voir un Français à Rome, c'est pas demain la veille, que ça risque d'arriver...
Rédigé par : Polydamas | jeudi 09 août 2007 à 18:20
"La messe en latin de mon enfance" ? ;-)
Rédigé par : koz | vendredi 10 août 2007 à 19:21
Polydamas,
On parle le latin à Hong Kong ? Je croyais que c'était le cantonais.
Rédigé par : Hugues | samedi 11 août 2007 à 11:03
Tout à fait, Hugues, on trouve des messes en latin à HK, la mondialisation touche même l'Eglise... ;-)
Sinon, dans la rue, c'est le cantonais, en effet.
Rédigé par : Polydamas | samedi 11 août 2007 à 17:49